« Il n’y a pas de fermetures d’urgence. » En déplacement au CHU de Nantes (Loire-Atlantique) mercredi dernier, le ministre de la Santé, François Braun, a balayé la situation catastrophique de nombreux services hospitaliers du pays. « Il faut arrêter avec ce terme qui est utilisé tout le temps et qui fait peur », a-t-il poursuivi, préférant minimiser le carnage en évoquant un « accès réglementé aux services d’urgence ». Mais les précautions oratoires ont vite été heurtées par la réalité. Le même jour, le syndicat Samu-Urgences de France, dont François Braun est l’ancien président, rendait publique une enquête réalisée auprès de 331 établissements de santé en juillet. Le constat est sans appel : le mois dernier, ces services ont dû faire face à une hausse d’activité de 12 % par rapport à 2021, soit 180 000 passages de plus. Dans les départements de la Haute-Loire ou du Vaucluse, l’augmentation de l’activité varie même de 30 à 39 %. Les difficultés sont généralisées sur tout le territoire : 95% des services rencontrent « problèmes importants de disponibilité des lits » et 90% manquent de ressources humaines médicales ainsi que 89% de ressources non médicales.
Conformément aux 41 recommandations de la « mission flash » menée par François Braun avant sa nomination, 88 établissements ont restreint l’accès aux urgences, dont 67 via une régulation systématique par le Samu, lui-même en position délicate. Dans les 97 centres sur les 15 qui ont répondu à l’enquête, 83% considèrent leur quotidien « insécurité », avec une insuffisance de moyens au vu de l’augmentation de 21% de l’activité. » Pour un service de qualité, 90% des appels doivent être répondus dans la minute. A l’hôpital Avicenne, on était à 8% le week-end dernier. Même si je connais François Braun depuis vingt ans, force est de constater qu’il ment »glisse Christophe Prudhomme, médecin urgentiste à l’hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis) et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf).
N’en déplaise au ministre de la Santé, en juillet, 42 services d’urgence ont en effet été contraints de fermer la nuit, avec 546 nuits cumulées en juillet. Vingt-trois établissements ont totalement fermé leurs urgences pour un total de 208 jours. Quant aux Smur (services mobiles d’urgence et de réanimation), sur 268 interrogés, 75 ont connu des fermetures de lignes et 18 au total. « Les services d’urgence, les Smurs, du 15, sont en grande difficulté » , a déploré Marc Noizet, le président du syndicat.
Fermeture de nuit et triage des patients
Les exemples ne manquent pas partout en France. A Valence (Drôme), « Du jour au lendemain, les urgences ont fermé pendant 24 heures, précise Christophe Prudhomme. Dans le service d’urgence médicale SUR 93, l’équivalent des médecins SOS de Seine-Saint-Denis, mardi dernier, un seul médecin était disponible pour effectuer des visites à domicile. A Aulnay-sous-Bois, dans un bassin de 300.000 habitants, une clinique sur deux a fermé ses urgences et celles de l’hôpital sont filtrées. Au service médical d’urgence de Roissy, seules les urgences vitales sont prises en charge et orientées vers… Aulnay. Cela montre que nous sommes à la fin de la journée. »
Le service des urgences d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), qui avait déjà baissé le rideau en mai dernier, a de nouveau fermé les 30 et 31 juillet. En cette saison estivale, la tension devrait encore s’aggraver en août, avec 25 % des plages des médecins non couvertes. En Ille-et-Vilaine, quatre services seront fermés certaines nuits en août, à Saint-Grégoire, Fougères, Vitré et Redon, l’Agence régionale de santé (ARS) vous invitant à contacter le 15 avant de vous déplacer.
Au CHU de Bordeaux, les patients ne sont plus vus de nuit depuis le mois de mai et le tri des patients est organisé de 17h à 22h. Comme le précise Alain Es-Sebbar, secrétaire de la CGT du CHU : « Peu de monde vient désormais la nuit et les patients affluent massivement quand il rouvre à huit heures du matin. Il est évident que le ministre veut généraliser la réglementation un peu partout pour qu’elle devienne la norme. Du côté du personnel, j’ai eu beaucoup d’appels d’agents qui veulent partir. » Alors que la canicule persiste dans le pays, Samu-Urgences de France estime que « sans mesures contraignantes, on peut s’attendre à une évolution vers une situation explosive ». Pour Christophe Prudhomme,« Un débat sur l’avenir du système de santé est nécessaire. Nous sommes dans une situation de crise grave. Nous avons besoin d’un système de santé universel financé par la Sécurité Sociale qui couvre tout le territoire. Là, on est en train d’enregistrer la généralisation de la dégradation de l’offre de soins ».
Cécile Rousseau
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