Les 10 provinces canadiennes ont convenu d’exiger annuellement 28 milliards de dollars du gouvernement fédéral pour réparer leur système de santé qui craque de partout. Pour le Québec, c’est une réclamation de 6 milliards de dollars pour renflouer un navire qui prend l’eau.
Au plus fort de la pandémie, le gouvernement fédéral n’a pas hésité à faire face aux urgences de santé publique et a payé avec joie 79 milliards de dollars. Les provinces n’ont pas eu à négocier, Ottawa a ouvert les poches.
Face à une urgence, il n’a pas hésité à utiliser son excellente cote de crédit pour payer les factures de millions de vaccins, par exemple.
Le gouvernement de Justin Trudeau, quant à lui, a pu constater les défaillances des provinces, notamment du Québec, en matière de services et de soins aux personnes âgées, les CHSLD publics et privés livrés à eux-mêmes, l’inaccessibilité d’un médecin de famille ou spécialiste par million personnes, pénuries de personnel qui allongent les listes d’attente pour les chirurgies, soins à domicile inadéquats pour les personnes vulnérables, urgences qui débordent, ambulances plus lentes qu’Uber pour se rendre à l’hôpital, signalements en protection de la jeunesse qui font craindre des drames évitables, etc.
Conditions d’Ottawa
Le gouvernement Trudeau a donc indiqué sa volonté de payer sa part de la facture… à ses conditions. Il est également clair que le gouvernement fédéral a le gros bout du bâton et qu’il a l’intention de régler ses comptes avec les provinces, le Québec en particulier.
Le premier ministre et son ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, ont dans la gorge l’appel du Québec à ne pas voter pour les libéraux lors de la dernière élection fédérale pour priver Justin Trudeau de la majorité tant recherchée pour son nouveau mandat. Un Premier ministre habile et désormais expérimenté ne peut oublier un tel affront.
Dans le jeu politique, on peut battre un adversaire politique, mais jamais l’humilier !
Le jeu va être rude
Attention, le match va être dur. Déjà, suite au comportement historique d’Ottawa, des négociations sournoises avec les provinces maritimes ont commencé et l’entente sera dévoilée au moment opportun.
Le gouvernement majoritaire de Doug Ford en Ontario a besoin de cet argent et la garantie que le transfert ne servira à rien d’autre que la santé n’est pas une exigence qui déstabilise la province.
Le moment Trudeau est enfin arrivé. Déjà, les lieutenants politiques Duclos et Rodriguez ont lancé les premières salves.
Comment croire que le Québec a besoin de 6 milliards pour renflouer son système de santé alors qu’il vient de faire des chèques de 2 milliards au lieu d’investir cet argent dans son système de santé?
Le Québec est-il en mesure de forcer la main à un gouvernement qu’il a humilié et privé de sa majorité il y a à peine 18 mois?
Dans le bras de fer qui s’est amorcé avec le Québec au sujet du transfert de 6 milliards de dollars au Trésor public du Québec, le moment Trudeau et son aval du NPD résisteront-ils au discours nationaliste et autonomiste d’un gouvernement qui a les dents longues, mais qui a peu de moyens de mordre sauf discours public?
Maurice Duplessis, en son temps, avait créé la taxe provinciale pour sortir de la dépendance fédérale face à l’échec à « récupérer son butin ».
artillerie lourde
Le 10 septembre 2021, le premier ministre Legault a invité les Québécois à ne pas voter Trudeau. À l’aube d’une campagne électorale au Québec, c’est l’occasion de régler ses comptes avec le gouvernement québécois. Le Québec risque d’être isolé comme en 1982.
Pour éviter le pire, Québec devra sortir l’artillerie lourde… mais a-t-il un plan pour cela ?
Rémy Trudel, ex-ministre de la Santé, professeur à l’ENAP
Jacques Létourneau, ex-président de la CSN, analyste politique
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