Sur la Colline, les anges déchus de l’Empire soviétique

Cannes, envoyé spécial
Ce n’est pas la première fois que le sujet est abordé. Partout dans le monde, il existe des décharges à ciel ouvert où femmes et hommes travaillent pour gagner à peine leur vie. En Inde, au Kenya, au Ghana, au Brésil, en Malaisie… Certaines servent de dépotoirs aux pays riches en échange de quelques arrangements financiers avec les gouvernements dont les plus pauvres ne bénéficient jamais. Les affaires sont les affaires…
« The Hill » se situe au Kirghizistan, à une dizaine de kilomètres de la capitale du pays, Bichkek, au cœur de l’Asie centrale, non loin de la frontière chinoise. De jour comme de nuit, la ronde des camions bennes déversant des tas d’ordures forme un ballet insolite. La nuit, les incendies donnent à cette colline l’aspect d’un volcan en éruption sur lequel des volcanologues, frontal vissé sur le crâne, prélèveraient des échantillons. De jour, le tableau est tout autre. Des milliers de déchets à perte de vue, des déchets des pauvres pour les plus pauvres encore : bouteilles de soda en plastique et bouteilles de vodka en verre patiemment triées contre à peine de quoi manger.
Denis Gheerbrant & Lina Tsrimova ont filmé ce lieu en immersion pendant des jours, s’attardant plus particulièrement sur certains de ces invisibles, dont Alexandre et sa femme Lena. Le couple s’y est échoué il y a de nombreuses années et ne vit même pas dans ces affreuses cabanes en parpaings au bord de la colline. Ils sont installés au cœur de la déchetterie, sous un parasol, toutes leurs affaires soigneusement rangées dans des sacs. Ce sont des gitans, ce qui explique leur « statut » dans la hiérarchie de ces basses terres. Le témoignage d’Alexandre révèle son passé de jeune soldat enrôlé dans l’armée soviétique pendant la guerre en Tchétchénie. Il est devenu « un chien de guerre ». La cruauté des actes qu’il a commis l’a rendu fou. Condamné à vivre avec cette honte et cette blessure, la Colline devient son purgatoire. Autre personnage qui se confiera à la caméra, Tadjikhane, sorte de mère courageuse qui, malgré la mort de quatre de ses enfants, ramène chaque jour sur son dos d’énormes sacs de gravats remplis de plastique. Autrefois, elle travaillait dans un kolkhoze. La fin de l’Union soviétique « a plongé dans le chaos des populations entières, jusque-là mélangées à cause des déportations de Staline », écrit le réalisateur.
La Colline témoigne de « ces expériences extrêmes de survie », poursuit-elle. A ce titre, le film mérite notre attention même si sa construction, trop formelle, souffre d’un éloignement qui réduit la force du sujet et nous laisse au milieu du regard.
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