Santé. Mort cérébrale, mort clinique, coma, état végétatif : de quoi parle-t-on ?

L’Agence de la biomédecine se dit « très gênée » par « les contre-vérités » parfois véhiculées dans le cadre de faits divers dramatiques – à savoir la mort de Sefa dans une collision avec la police à Élancourt et celle de Socayna, tuée par une balle perdue à Marseille. . L’agence publique note que « la mort cérébrale est plusieurs fois décrite comme un coma plutôt que comme une mort ».
Concernant la Socayna, l’Agence s’étonne d’un communiqué largement relayé du parquet de Marseille, selon lequel « la jeune femme de 24 ans en état de mort cérébrale est finalement décédée. Pour Sefa, l’adolescent décédé peu après une collision avec un véhicule de police, un rapport mentionne le jeune en état de mort cérébrale « transféré en Turquie pour y être soigné ». Ce qui suppose qu’il pourrait survivre, mais ce n’est pas le cas : la mort cérébrale est une mort, irréversible : « C’est une personne décédée. (…) Ses organes étaient maintenus artificiellement actifs, mais son cerveau avait été irrémédiablement endommagé, ce qui constitue sa mort », a détaillé l’Agence à Libération.
Mort cérébrale (ou encéphalique)
En cas de mort cérébrale, les médecins constatent un cerveau physiquement mort, avec des dommages irréversibles. En complément d’un examen clinique, deux encéphalogrammes plans observés pendant au moins 30 minutes permettent d’établir cet état. Une angiographie CT peut également être utilisée, avec un produit de contraste. « On peut alors prononcer l’état de mort cérébrale, ce qui recoupe l’expression « coma dépassé » », explique Philippe Charlier, médecin légiste, à franceinfo.
Cet état peut cependant donner « l’illusion de la vie », comme le qualifie le médecin légiste Philippe Boxho, car le cœur bat encore. « C’est une mort difficile à comprendre », explique l’anesthésiste Benoît Averland, directeur adjoint « prélèvements et transplantations » de l’Agence de la biomédecine : « On a un corps qui est chaud, qui bouge », et on peut « continuer à faire le bruit d’un mort ». battement de coeur, grâce à un respirateur artificiel.
Mais pas sans : « Si le cerveau cesse de fonctionner, il n’y a plus de respiration et le cœur s’arrête alors en quelques minutes », rappelle-t-il. En revanche, l’installation d’une ventilation artificielle peut prolonger longtemps – et inutilement – l’état de « mort cérébrale », avec un cerveau détruit mais un cœur qui bat.
Comme le rappelait la Société française d’anesthésie et de réanimation à la mi-septembre, « est mort ».
Décès cardiaque (ou clinique)
Bref, « il y a deux manières de mourir », rappelle Benoît Averland : « Soit le cœur s’arrête de battre, soit le cerveau arrête de fonctionner ». Cependant, le décès d’une personne ne peut être constaté qu’après un arrêt cardiaque. Sans assistance, le cœur d’un patient en mort cérébrale s’arrête rapidement, entraînant… la mort cardiaque.
Cette mort cardiaque (ou clinique) est l’arrêt « réel et constant » du rythme cardiaque. Cela conduit rapidement à l’arrêt des muscles, des poumons et du cerveau – et donc à la mort.
Les cas de « mort apparente » – des patients parfois présentés à tort comme « revenant à la vie » – après une hypothermie sévère ou la prise de bêtabloquants par exemple sont nombreux. Certains ont d’ailleurs pu être réanimés pendant de très longues minutes après un arrêt cardiaque. Mais ces situations, en fait réversibles, restent tout à fait exceptionnelles. Il n’est pas rare non plus que ces patients finissent par mourir dans les heures ou les jours qui suivent.
Coma : généralement réversible, mais…
Lorsqu’il n’est pas artificiellement induit pour éviter la souffrance ou accompagner la fin de la vie, le coma assume un état réversible : même inconsciente pendant une longue période, une personne dans le coma présente une activité cérébrale. Parfois minime…
Le coma, selon la définition de l’Inserm, est « la forme la plus sévère d’altération de la conscience. Un patient dans le coma semble endormi, mais ne répond à aucune stimulation, même douloureuse. Cet état, généralement transitoire, peut être observé dans un grand nombre de maladies, neurologiques ou non. »
Avec cet état, il n’est pas question de mort… sauf lorsqu’elle devient irréversible. Quelques semaines avant sa mort, le 30 mars 2022, Yvan Colonna avait été présenté par son avocat Patrice Spinosi comme dans un « coma post-anoxique » – lié à un manque d’oxygène dans le cerveau. De toute évidence, les lésions cérébrales étaient incomplètes et une faible activité neurologique persistait. Mais le détenu agressé en prison est décédé en moins de trois semaines.
La différence est parfois ténue : ce type de coma dit « végétatif » était principalement incarné par Vincent Lambert, qui a passé plus de dix ans entre la vie et la mort avant de mourir en juillet 2019. Selon Philippe Charlier, malgré de graves lésions cérébrales, il pourrait respirer spontanément ou bouger certains muscles. Mais sans la capacité d’interagir avec le monde extérieur – ce qui caractérise un état végétatif, contrairement à l’état « pauci-relationnel » (au niveau minimal d’interactions) défendu par certains de leurs proches.
Des conséquences pas anodines
Comme dans l’affaire Vincent Lambert, qui a suscité plus de dix ans de batailles judiciaires, ces désignations ne sont pas sans conséquences : elles permettent de qualifier des poursuites judiciaires. Une enquête ouverte pour « blessures » ou « tentative d’homicide » peut ainsi être requalifiée en « homicide ».
Avec des effets sur l’enquête elle-même, les poursuites, mais aussi la tenue du procès et les éventuelles réparations versées.
En matière de santé, l’Agence de la biomédecine souligne que seulement 1 % des décès, soit environ 5 000 par an, sont dus à la mort cérébrale… mais qu’ils représentent près de 80 % des prélèvements d’organes. Il est alors indispensable de maintenir une activité cardiaque jusqu’à la greffe, pour préserver les organes. Un seul patient en état de mort cérébrale peut sauver jusqu’à sept personnes. Cependant, l’Agence reste souvent confrontée, outre les refus de dons, à une incompréhension persistante sur la nature de cet état irréversible qu’est la mort cérébrale.
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