Dans le sillage de Pierre Bourdieu, la sociologie s’intéresse volontiers à la reproduction sociale, au poids des déterminismes dans les trajectoires individuelles. Norbert Alter s’intéresse davantage aux écarts, aux différences et aux errances, sans nier la réalité des mécanismes de domination. « On échappe rarement à son destin social », avoue-t-il dans les dernières lignes de son nouveau livre. Mais il arrive aussi que nous mettions les voiles, que nous composions notre propre histoire en marge de « faits majoritaires ». Le parcours de Pierre, fil conducteur de ce livre à la croisée de l’essai et du récit de vie, en offre un exemple frappant. Norbert Alter l’avoue d’emblée : Pierre n’est qu’un double de lui-même, un personnage lui permettant d’aborder son expérience avec la distance qu’exige l’analyse sociologique. On le devine, le procédé est aussi une protection contre des souvenirs parfois lourds : une enfance marquée par l’absence de repères familiaux, avec une mère effrontée, sujette à des accès de violence, et un père petit escroc. Une existence sans foyer ni classe. De ce que Marx a qualifié de « lumpenprolétariat », Pierre cherchera longtemps » nous « , au sein de l’institution scolaire comme en politique, dans le bouillonnement de mai 68. Avant de tracer sa propre voie, à l’instar de Jack Kerouac, l’auteur phare de la génération Beat. D’une tranche de vie caractérisée par plusieurs formes de précarité, Pierre a su se faire une force pour se construire et se libérer. Une autobiographie passionnante. LA.
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