Après la disparition du « mot n », assiste-t-on à la disparition du « mot f » à Radio-Canada ?
C’est la question que l’on peut se poser puisqu’une journaliste de la société d’État, Angie Landry, a utilisé l’expression « personnes avec un utérus » au lieu du mot « femmes » dans un reportage sur les effets du vaccin.
Qu’un chroniqueur ou un animateur joue avec cette terminologie orwellienne pour faire bonne figure auprès de la communauté éveillée, c’est une chose. Ils peuvent bien dire des énormités, s’ils les assument.
Mais que dans un reportage factuel un journaliste ait recours à la « novlangue », c’est inquiétant.
OÙ SONT LES FEMMES ?
Même à Radio-Canada, l’animatrice Isabelle Craig a eu le courage d’écrire : « Non ! Je ne suis pas »une personne avec un utérus » n’en déplaise à mes/mes collègues. Et non, dire ça ne me rend pas transphobe ou homophobe. » Plus tard, elle a supprimé son tweet en disant qu’il n’y avait « aucune pression de la part de [s]un seul employeur ».
Alors que la nouvelle provoque un tollé, un véritable tollé, Radio-Canada se rétracte, retire l’expression « les gens avec un utérus » et publie même un encadré expliquant : « Ces formulations pouvaient laisser entendre que l’identification des femmes était réduite à des termes biologiques, ce qui était pas l’intention ».
Le problème, c’est que Radio-Canada, dans sa boîte, ne mentionne jamais l’expression qui a été supprimée. C’est quand même bizarre !
Heureusement, j’ai pris une capture d’écran de la première version du texte. Avec Radio-Canada, on n’est jamais trop prudent…
Non seulement cette pratique consistant à remplacer « femme » par « personne avec un utérus » pour éviter de blesser les personnes transgenres ou non binaires est ridicule, mais elle est hypocrite.
Connaissez-vous une seule personne qui s’exprime ainsi dans son quotidien ? Même le plus réveillé des réveillés ne s’exclame pas, dans un moment de panique, « la personne avec un utérus dans la rue va se faire écraser ! » »
Pouvez-vous imaginer si, à l’époque d’Aline Desjardins, on avait présenté à la télévision une émission intitulée Les personnes avec un utérus moderne ?
Faut-il renommer le roman de Michel Tremblay : La grosse personne avec un utérus à côté est enceinte ? Que dire de ce grand classique du cinéma québécois : Deux personnes avec un utérus d’or ?
Et si on appliquait cette même pratique aux hommes ? Nous n’utilisons plus le mot homme et le remplaçons par « personne avec une prostate ».
CHABADABADA
Une personne avec une prostate à tout faire, de Micheline Lanctôt. Aimeriez-vous fredonner « chabadabada » pendant le film de Lelouch : Une personne avec une prostate et une personne avec un utérus ? le spectacle d’humour de Guy A. Lepage, Une personne avec une prostate, une personne avec un utérus.
Si nous éliminons le mot femme de notre vocabulaire, nous éliminons la présence des femmes dans l’espace public. Comment parler du Conseil du statut de la femme, de la ministre responsable de la Condition féminine et même de « féminisme » ou de « féminicide » si on élimine le mot lui-même ?
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