Jannah Theme License is not validated, Go to the theme options page to validate the license, You need a single license for each domain name.
Nouvelles localesPolitique

Quand Samantha Smith, 11 ans, est devenue une icône de la paix en pleine guerre froide


Moscou, sur la Place Rouge. Une enfant accompagnée de ses parents salue chaleureusement la foule en liesse. « Les grands de ce monde ne sont pas naïfs et les arrière-pensées destinées à impressionner l’opinion publique, évidentes, mais tout de même, quelle belle histoire ! », commente Patrick Poivre d’Arvor au 20 Heures d’Antenne 2, le 8 juillet , 1983. Cette histoire est celle de Samantha Reed Smith, une jeune américaine de 11 ans soudainement propulsée dans une icône mondiale de la paix. Alors que la guerre froide battait son plein et que peu de journalistes occidentaux se rendaient de l’autre côté du rideau de fer, l’adolescent voyageait à travers l’URSS, à l’invitation de Yuri Andropov, le secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique. Alors que le sourire radieux de Samantha s’étalait sur les écrans de la Maison Blanche, les conseillers du département d’État peinaient à cacher leur embarras… « Et pour cause : le voyage de Samantha Smith était le résultat d’une opération de propagande soviétique, explique l’historien Bernard Lecomte (auteur de KGB, la véritable histoire des services secrets soviétiques, éd. Perrin, 2020). L’objectif est alors de présenter l’URSS comme une nation désireuse de paix alors que le régime n’a aucune envie d’aller vers la détente avec les États-Unis.

Samantha Smith, une Américaine comme tant d’autres

Elle a grandi dans la petite ville de Manchester, dans le Maine, elle aimait ses parents, la lecture, ses amis de l’équipe de softball de l’école… Le 22 novembre 1982, en couverture du magazine Time, Samantha découvre le visage austère de Yuri Andropov qui a vient de prendre la tête de l’URSS, à la mort de Leonid Brejnev. Le nouveau dirigeant n’a pas la réputation d’être tendre, et dans les médias, on rappelle qu’en tant qu’ambassadeur hongrois, il a organisé une répression sanglante face à l’insurrection de Budapest en 1956. que, à la tête du KGB entre 1967 et 1982, il relance la politique de répression contre les dissidents, le plus souvent envoyés en « exil » au goulag. Alors que cette nomination fait craindre une escalade dans le face-à-face entre les deux superpuissances, Samantha Smith décide aussitôt d’interpeller le nouveau maître du Kremlin directement dans une lettre : « Je crains que la Russie et les Etats-Unis ne s’engagent dans guerre nucléaire. (…) Je voudrais savoir pourquoi vous voulez conquérir le monde ou au moins notre pays. Dieu a créé le monde pour que nous tous y vivions et en prenions soin. Pas pour nous battre dessus ou qu’un seul peuple le possède entièrement . »

Contre toute attente, le dirigeant répondra à la jeune fille, cinq mois plus tard, en avril 1983, en l’assurant qu’« ici, en Union soviétique, on fait tout pour qu’il n’y ait pas de guerre sur Terre ». Bernard Lecomte décrypte : « Au cours de ses quinze années à la tête du service de renseignement, Andropov a considérablement professionnalisé le KGB qui, à l’époque de Staline, était une organisation composée de brutes et d’espions, mais au sein de laquelle il a même recruté une élite très compétente afin d’organiser opérations de propagande sophistiquées.

Pacte de Varsovie, instrument de la guerre froide

Une occasion en or pour la propagande russe

Dans l’affrontement avec les États-Unis, la manipulation de l’opinion publique occidentale est un art : agiter la peur d’une catastrophe nucléaire a ainsi longtemps servi à susciter un soutien au régime soviétique, régulièrement présenté comme le parangon du pacifisme par certaines organisations. visites guidées, y compris le Global Peacemaker Movement. En 1983, l’appel de la jeune Samantha constitue une opportunité en or. « Nous voulons ardemment vivre en paix, commercer et coopérer avec tous nos voisins sur cette planète, qu’ils soient proches ou lointains », poursuit Andropov dans sa réponse. Y compris bien sûr avec un pays aussi grand que les États-Unis d’Amérique. (…) Je t’invite, si tes parents sont d’accord, à venir dans notre pays. Largement diffusé, le message renvoie Ronald Reagan, qui qualifie régulièrement l’URSS d' »empire du mal », au rang de fauteur de guerre… La Maison Blanche, surprise et gênée par le succès médiatique de l’échange épistolaire, se contente de prodiguer des conseils prudence à la famille Smith, qui accepte néanmoins l’invitation. Le 7 juillet, Samantha et ses parents s’envolent pour Moscou pour un séjour de deux semaines.

En URSS, le tapis rouge leur est déroulé : visite du mémorial des victimes du siège de Saint-Pétersbourg, rencontre avec la cosmonaute Valentina Terechkova… Ils passent aussi quelques jours en Crimée, au bord de la mer. Au bord de la mer Noire, accompagnée de Natacha, une adolescente russe de 13 ans, Samantha jette une bouteille contenant un message de paix. À son insu, elle remplit pleinement le rôle que les Soviétiques lui ont confié. « Maintenant, je suis sûre que les Russes, comme les Américains, ne veulent pas la guerre », dit-elle. Les propos de la jeune fille sont largement relayés par la trentaine de journalistes du monde entier qui l’accompagnent. Certaines critiques se font entendre aux États-Unis. « Samantha Smith : un pion dans la guerre de propagande », titre par exemple US News & World Report. Il n’y a évidemment pas de voix discordante en URSS, où la petite fille, curieuse et bienveillante, suscite l’enthousiasme. Soviet Life lui consacre sa couverture : photographiée avec un kokochnik, la coiffe féminine traditionnelle russe, la petite Américaine est si mignonne… Les autorités soviétiques ont-elles fini par craindre qu’elle ne devienne trop populaire et ne suscite l’intérêt des États-Unis ? Unis et mode de vie américain ? La rencontre promise avec Andropov n’a pas lieu.

À son retour, la jeune fille a continué à être une militante et a commencé une carrière à la télévision avec l’émission Samantha Smith se rend à Washington DCpour Disney Channel et la série télévisée Rue de la chaux, sur ABC. Mais un drame met brutalement fin à son histoire. De retour de tournage en août 1985, elle décède à l’âge de 13 ans dans un accident d’avion, déclenchant des rumeurs d’attentat du KGB ou de la CIA… Malgré la manipulation dont elle a été victime, Samantha Smith a-t-elle initié le dégel qui a suivi la nomination de Mikhaïl Gorbatchev en mars 1985, comme certains le croient ? « Ça va vite, tempère Bernard Lecomte. Sa visite aurait pu avoir une influence s’il y avait eu des pacifistes pour la prendre au sérieux à la Maison Blanche et au Kremlin, mais ce n’était pas le cas ! Les tensions reprennent à l’automne 1983, lors d’une nouvelle crise des missiles.

Samantha n’a pas mis fin à la guerre froide, mais elle a sans aucun doute inspiré d’autres jeunes « lanceurs d’alerte », comme la militante écologiste suédoise Greta Thunberg.

Climat : le combat solitaire de la « Chinoise Greta Thunberg »

Article paru dans le magazine GEO Histoire de janvier-février 2023 (n°87, Kremlin).

➤ Pour voir tous les numéros GEO disponible à l’unité, c’est ici ! Êtes-vous déjà fidèle au contenu GEO ? Alors pour ne rien manquer, découvrez nos formules d’abonnement pour recevoir GEO tous les mois chez vous en toute simplicité.

Lire aussi :

La guerre froide résumée en 11 dates clés

Tcheka, NKVD, KGB... De l'empire tsariste à l'URSS, l'omniprésence de la police politique

Tcheka, NKVD, KGB… De l’empire tsariste à l’URSS, l’omniprésence de la police politique

Greta Thunberg, nouvelle victime de la propagande russe ?

Greta Thunberg, nouvelle victime de la propagande russe ?

GrP1

Toutes les actualités du site n'expriment pas le point de vue du site, mais nous transmettons cette actualité automatiquement et la traduisons grâce à une technologie programmatique sur le site et non à partir d'un éditeur humain.
Bouton retour en haut de la page