Pourquoi les Hollandais ont mis le feu à leur sapin de Noël après le Nouvel An

C’est un ciel de feu comme on en voit parfois à Amsterdam à la fin d’une belle journée d’été, quand le soleil couchant embrase les eaux de l’Amstel. Problème : nous sommes en plein hiver, et cela fait pas mal d’heures que la star du jour s’est endormie. Sans compter que ce ciel orangé pique les yeux et la gorge ! Explication : du réveillon à l’Épiphanie, le Néerlandais commence son mois de janvier en devenant un peu incendiaire.
Ici, allumer le feu est une tradition. Partout aux Pays-Bas, le même élan veut soudain que chaque famille s’empare du pauvre conifère qui trônait dans leur salon pour Noël, le dépouille de ses décorations scintillantes, puis le traîne comme un condamné sur la place publique. Il rejoint des dizaines d’arbres empilés les uns sur les autres au milieu de la rue, qui finissent par s’embraser sous les acclamations de la foule, qui n’hésite pas à en rajouter en balançant des pétards et des feux d’artifice.
La coutume remonte loin pour trouver ses racines dans les premiers jours du paganisme, puis ceux des chasses aux sorcières. Mais c’est au début des années 1950, après la guerre, qu’il a vraiment commencé à s’épanouir. A Scheveningen et Duindorp, deux quartiers de la ville de La Haye, le kerstboomverbranding, littéralement « le sapin de Noël en feu », devint l’occasion de compétitions enflammées où, oserons-nous dire, il s’agissait de faire du feu de tout bois (palettes , meubles, mais aussi déchets et vieux pneus) dans l’espoir d’afficher le plus haut feu du pays. Dans les jours qui ont précédé l’incendie, la chasse au carburant a même donné lieu à des batailles rangées entre jeunes de différents quartiers.
Bûchers limités à 35 mètres
Dès 1980, les autorités décident qu’il faut calmer le jeu et limitent la hauteur des pieux à trente-cinq mètres. En vain… Chaque année, les pompiers sont aux aguets, mais le drame n’est jamais loin. Comme en janvier 2019, lorsqu’un brasier de palettes à Scheveningen, encore trop élevé, est devenu incontrôlable à cause du vent, provoquant une pluie d’étincelles sur toute l’agglomération de La Haye (un million d’âmes). Accusée d’avoir laissé faire, la maire, Pauline Krikke, a dû démissionner. Depuis lors, la menace d’une interdiction nationale couvait.
Alors, arrêter le feu ? Pas encore. Malgré les dangers et la pollution générée, cette fête incendiaire est inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel des Pays-Bas, au même titre que les fêtes du Gouda ou de la tulipe. Et ce, alors même qu’avec la mer du Nord comme dernière étendue sauvage, la région des polders est la plus pauvre en forêts de toute l’Union européenne (0,02 hectare par habitant). Mais « Dieu a créé le monde et les Hollandais ont créé les Pays-Bas », dit un dicton local. Il est vrai qu’entre maîtrise maniaque et domination forcenée, les Bataves entretiennent un rapport singulier à leur environnement : le fameux réveillon tout feu tout flamme n’est peut-être, au fond, qu’une manifestation de plus.
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➤ Article paru dans le Décembre 2021 GEO magazine (n° 514, Patagonie).
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