pourquoi la tempête Daniel a-t-elle été si meurtrière ?

Au moins 2 300 personnes sont mortes dans un pays déchiré par plus d’une décennie de guerre civile.
Les images qui arrivent du pays montrent l’ampleur du désastre. Le bilan des inondations causées par la tempête Daniel en Libye continue de s’alourdir. Selon les derniers chiffres ccommuniqué mardi 12 septembre par le porte-parole des services d’urgence libyens, plus de 2 300 personnes sont mortes, près de 5 000 sont portées disparues et vers 7 heures 000 personnes ont été blessées.
Dans la nuit de dimanche à lundi, les deux barrages retenant les eaux de l’oued Derna, l’oued qui traverse la ville de Derna, sur la côte est de la Méditerranée, ont cédé. De puissants torrents détruisirent des ponts et emportèrent des quartiers entiers avec leurs habitants de part et d’autre de l’oued, avant de se jeter dans la mer.
>> EN IMAGES, EN IMAGES. Inondations en Libye : le pays recherche des milliers de personnes disparues après la tempête Daniel
Depuis le grand tremblement de terre qui a secoué la ville d’al-Marj en 1963, il s’agit de la pire catastrophe naturelle qu’ait connu la Cyrénaïque, la province orientale de la Libye. Franceinfo vous explique pourquoi ces jeLes épidémies étaient si meurtrières.
Parce que la Méditerranée a renforcé les pluies torrentielles
La tempête Daniel s’est formée vers le 4 septembre et a provoqué la mort et la destruction en Bulgarie, en Grèce et en Turquie. Il a ensuite glissé vers la Libye, où il a de nouveau déversé des pluies torrentielles. Pour quoi ? Car entre-temps, il s’est rechargé en humidité et en énergie, passant très lentement au-dessus de la Méditerranée. Or, depuis plusieurs semaines, les eaux superficielles de la Méditerranée orientale et de l’Atlantique sont 2 à 3°C plus chaudes que d’habitude. Ils sont donc « probablement avoir provoqué des précipitations plus intenses »selon des scientifiques britanniques.
>> « L’eau a commencé à monter, petit à petit » : en Libye, un homme raconte la peur de sa famille sauvée
Avec cette chaleur et l’évaporation associée, la tempête Daniel a pris les caractéristiques des cyclones tropicaux. C’est ce que l’on appelle un phénomène « medicane », contraction en anglais de Mediterranean et « ouragan » (« ouragan »). Des études d’attribution tenteront, dans les semaines à venir, de décrypter dans quelle mesure ce phénomène extrême peut être attribué au changement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre.
Selon certains modèles, le changement climatique pourrait réduire le nombre de cyclones en Méditerranée mais augmenter leur intensité. Tempête Daniel « illustre le type d’inondations dévastatrices auxquelles nous pouvons de plus en plus nous attendre à l’avenir »estime Lizzie Kendon, professeur de sciences du climat à l’Université de Bristol.
Parce que la Libye est en proie au chaos politique
La scène politique fragmentée en Libye, déchirée par plus d’une décennie de guerre civile après la chute du dictateur Mouammar Kadhafi, au pouvoir de 1969 à 2011, a également contribué à cette catastrophe. Ce pays d’Afrique du Nord est divisé entre deux gouvernements rivaux : l’administration internationalement reconnue et négociée par l’ONU, basée dans la capitale Tripoli, et une administration distincte dans la région orientale touchée par les inondations.
« Il est vrai que le changement climatique peut rendre les phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents, plus imprévisibles et plus violents. (…) Mais en même temps, Les facteurs sociaux, politiques et économiques déterminent qui et où sont les plus susceptibles de subir des dommages plus importants lorsque ces événements extrêmes se produisent. »note Leslie Mabon, maître de conférences à l’Open University au Royaume-Uni, auprès de l’AFP.
Dans ce pays divisé et chaotique, les pertes en vies humaines sont aussi une conséquence du caractère limité des capacités de prévision, des systèmes d’alerte et d’évacuation, observe Kevin Collins, également maître de conférences à l’Open University. Conditions politiques en Libye « posent des défis pour le développement de stratégies de communication et d’évaluation des risques, pour la coordination des opérations de sauvetage et aussi, potentiellement, pour la maintenance des infrastructures critiques telles que les barrages »ajoute Leslie Mabon.
Car la ville de Darna est particulièrement exposée
Deux barrages situés en amont de la ville côtière de Darna, coincée entre la Méditerranée et une chaîne de collines, ont cédé sous la pression des inondations. « La topographie de la ville de Derna a favorisé ce type de catastrophe »explique l’ex-diplomate Patrick Haimzadeh, spécialiste de la Libye, sur franceinfo. « Cette ville en bord de mer est construite sur une rivière dans laquelle se jette toute l’eau de pluie de la région »souligne-t-il.
Ces deux barrages ont été construits il y a une cinquantaine d’années sous Mouammar Kadhafi. « Il faut imaginer qu’ils ont une capacité d’une trentaine de millions de m3 et, avec les intempéries, 115 millions de m3 d’eau se sont déversés. Aucun barrage n’aurait pu retenir une telle quantité d’eau », poursuit le spécialiste. La configuration des locaux complique la tâche des secours pour accéder aux zones sinistrées. « Il n’y a qu’une seule route d’accès, qui est actuellement coupéerappelle Patrick Haimzadeh. Il faut beaucoup de logistique pour réparer les accès. Nous devrons sûrement prendre la mer. »
Les faiblesses de la planification des infrastructures et des normes de conception ont également été mises en évidence par les inondations, observe Kevin Collins. « Depuis douze ans, aucun grand chantier n’a été lancé en Libye, on se limite à limiter les dégâts. Aucun grand projet n’a été lancé », ajoute Patrick Haimzadeh. Et leLes bâtiments de la ville restent fragiles, fortement endommagés par les combats qui ont eu lieu jusqu’en 2019 entre les milices jihadistes et les hommes du général Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est libyen.
hd1