Peter Sergakis : un locataire qui tangue, mais résiste aux coups

Ceux qui ne peuvent pas battre Peter Sergakis devront être patients. A 75 ans, l’homme d’affaires est encore loin de la retraite, même s’il avoue vivre la « pire période » dans les restaurants et les bars.
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« Retraite ? Pas avant au moins 25 ans », rigole-t-il en reprenant le fameux mantra du personnage Salut ! Ha ! Tremblay.
Lorsqu’on lui demande s’il plaisante, celui qui dirige les bars et restaurants de Montréal et possède plus de 250 immeubles devient le plus sérieux au monde.
« Je vais la prendre à 100 ! » J’ai toujours la passion, l’énergie et la santé. J’aime accomplir des choses, développer des projets, j’ai envie de créer, j’aime travailler et trouver des opportunités », énumère-t-il.
Faut dire qu’il a la peau dure le Peter Sergakis. Sensuelle, controversée, énigmatique… tous les qualificatifs lui ont été attachés ces dernières années. Durant les premiers jours de la pandémie, c’est pourtant en larmes qu’il a annoncé la mise à pied à ses 1 500 employés.
Le pire moment en 60 ans
Mais la crise sanitaire est passée et il n’a jamais songé à baisser les bras malgré les difficultés de son secteur. Cependant, il avoue au passage que la période actuelle est la pire qu’il ait connue professionnellement.
« En 60 ans, je n’ai jamais vu ça. Je mets des annonces pour trouver des employés et je n’ai aucune réponse. Je n’ai jamais vu ça, jamais, jamais, jamais », a-t-il répété plusieurs fois lors de l’entretien avec Le journal.
Le manque de personnel, Peter Sergakis en fait l’expérience au quotidien. Il a un besoin immédiat de 250 employés avec expérience ou 350 sans expérience.
En attendant, dans la grande majorité de ses quarante établissements, bars et restaurants, elle a donc réduit les horaires pour faire face à la pénurie. Il n’écarte pas l’idée de fermetures, mais la décision n’est pas prise pour le moment.
Moins d’heures, moins de jours
« Actuellement, nous ouvrons moins d’heures, moins de jours, jusqu’à ce que le marché se stabilise », a-t-il déclaré.
C’est ce qu’il a fait avec la Station des Sports, rue Sainte-Catherine, près d’Atwater. Il vient de rouvrir le restaurant et le bar cette semaine avec un personnel réduit.
« Nous n’avions pas assez de travailleurs. On prend des salariés d’autres établissements, je les fais travailler davantage. Certains feront 45-50 heures. D’autres qui travaillaient à temps partiel seront à temps plein », dit-il.
L’autre restaurant de la Station des sports situé dans le Village gai est toujours fermé en raison d’un bris de tuyau durant l’hiver. La décision n’a toujours pas été prise quant à sa réouverture.
« C’est sûr que le sport à Montréal est difficile. Le hockey est mauvais, nous n’avons pas de basket-ball, nous n’avons pas de football américain. Nous avons l’Impact, c’est bien pour les clients qui aiment le soccer. On espère aussi beaucoup avec la Coupe du monde en novembre », analyse-t-il.
Repas à 40 $ ?
Mais la pénurie n’est pas sa seule préoccupation. Avec une inflation galopante, des coûts de transport, de nourriture et d’électricité, il anticipe une augmentation significative du prix des repas au restaurant.
« Je veux avertir les clients. Repas très normaux qui coûtent 15-20$, nous n’aurons pas le choix d’augmenter les prix à 30-40$, sinon nous ne pourrons pas le faire, sinon il y aura plus de fermetures. »
« Avant, nous travaillions plus dur pour essayer d’équilibrer les pertes avec les bénéfices, mais maintenant je pense que nous serons moins patients », prédit-il.
Il parie sur les touristes… et le Ciel
Mais celui qui est né sur l’île d’Ios en Grèce refuse de baisser les bras. Il estime que les touristes seront nombreux et compte beaucoup sur ses bars, notamment le complexe Sky du Village Gay.
« La Formule 1, qui revient, nous aide beaucoup. Il y aura le retour des touristes cette année. Au Sky, nous avons fait des rénovations, le bar est mondialement connu. Et vous savez, il n’y a pas de différence entre les gays et les hétéros. On ne demande pas au monde ce qu’ils font dans leur vie privée, on les accueille tous », dit-il en riant.
Cependant, cette section de la rue Sainte-Catherine est demeurée moins attrayante au cours des dernières années. Plusieurs commerces ont fermé leurs portes et il n’est pas rare de voir des enseignes de location aux vitrines.
« Nous espérons que la Ville fera quelque chose. La rue fermée est une bonne chose pour nous, nous devons avoir des activités 12 mois par an », estime l’homme d’affaires.
Fiers d’être Québécois
Malgré le contexte morose, Peter Sergakis s’estime chanceux. Il ne veut pas parler de l’impact de la pandémie sur sa fortune (est-il milliardaire ou pas, la question reste sans réponse…), mais il détourne la question vers sa fierté d’avoir réussi au Québec.
« J’ai de la chance, je suis arrivé au Québec en 1960, je suis tombé amoureux des Québécois. J’aime les Québécois et je suis fier d’être Québécois », conclut-il.
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