Opinion : Le gouvernement Trudeau a deux plans pour réduire les prix des produits alimentaires. L’un est pour le spectacle. L’autre est réel

Le terme « perp walk » n’apparaît pas dans le communiqué de presse du gouvernement Trudeau, mais nous, les médias, savons lire entre les lignes.
Les promenades des criminels étaient prévues lundi matin. Les caméras étaient prêtes.
L’accusé avait été convoqué à « une réunion immédiate à Ottawa » pour « entamer des discussions » avec le ministre de l’Industrie François-Philippe Champagne. Les PDG des cinq plus grandes chaînes d’épicerie du Canada sont accusés de « gagner plus d’argent, alors que le coût de l’épicerie a considérablement augmenté et que les familles ont du mal à mettre de la nourriture sur leur table ».
Les « discussions » portaient sur une négociation de plaidoyer : si les accusés proposaient un plan acceptable d’ici Thanksgiving pour « stabiliser les prix », la Couronne pourrait être indulgente avec eux.
En tant que politique anti-inflationniste ou stratégie économique, cela obtient un zéro point zéro pour le mérite technique. Mais les scores d’impression artistique de l’Équipe Trudeau atteignent des sommets saisonniers.
Le but de l’exercice était de forcer les PDG de Loblaw LT, Sobeys, Metro MRU-T, Walmart WMT-N et Costco COST-Q à être vus débarquant de gros véhicules noirs, flanqués de conseillers, vêtus de costumes sombres soigneusement sélectionnés, tous tout en ayant l’air mal à l’aise et en se dépêchant, le plus vite possible, d’échapper aux caméras.
Il est temps que le gouvernement intervienne pour geler les prix des produits alimentaires
Les libéraux ciblent les épiciers en modifiant la Loi sur la concurrence et menacent de mesures fiscales si les prix ne se stabilisent pas
Mission accomplie.
Les cinq épiciers emploient des cliniques de spin doctor, tous diplômés de résidences en massage à messages des meilleures écoles de spin doctorologie. Pourtant, ces gestionnaires bien nantis ont négligé de faire comprendre à leurs clients que, face aux caméras, vous préféreriez clairement ne pas être confronté, accélérant votre rythme tout en disant : « Sans commentaires » (Pierre Riel, cadre supérieur chez Costco), ou détourner les yeux en ne rien dire du tout (Galen Weston de Loblaw), constitue une preuve suffisante pour déclarer coupable devant le tribunal de l’opinion publique de dix provinces et trois territoires.
Après les marches de la honte, M. Champagne a annoncé que, sans surprise, les épiciers avaient accepté de « travailler avec le gouvernement pour stabiliser les prix des denrées alimentaires ». Selon le ministre, chaque entreprise soumettra ses plans d’ici Thanksgiving.
Considérez donc cela comme une victoire en matière de relations publiques pour le gouvernement.
Cependant, comme pour tous les autres défis auxquels le pays est confronté, le problème n’est pas la gestion des problèmes. C’est de la gestion économique. Ce qui est difficile. Et chiant. Pas de bons visuels. Ne peut pas être TikToké.
Le premier ministre Trudeau a déclaré la semaine dernière qu’à moins que les épiciers ne présentent des plans pour un « véritable allègement », il « n’excluait rien, y compris des mesures fiscales ». C’est peut-être une bonne politique, mais les aspects économiques sont un véritable casse-tête. Le gouvernement envisage de réduire le coût de la construction de logements locatifs en réduisant les impôts payés par les constructeurs – mais envisage-t-il d’augmenter les taxes sur les épiciers pour faire baisser le prix des produits d’épicerie ? Hein?
Mis à part les démagogies, le gouvernement dispose d’options pour rendre le secteur de l’épicerie – et le reste de l’économie – plus compétitif.
La concurrence a tendance à faire baisser les prix. Dans un marché du travail tendu, cela fait également augmenter les salaires. Comment les entreprises font-elles face aux pressions simultanées visant à baisser les prix et à augmenter les salaires ? Ils innovent. Ils investissent dans les nouvelles technologies. Ils proposent de nouveaux processus pour faire plus avec moins de travail. S’ils ne le font pas, leurs concurrents le feront.
L’innovation signifie que la pression à la baisse sur les prix doit être compensée par une production plus élevée par employé et un PIB par heure de travail plus élevé. Ce qui rend notre économie plus grande et les Canadiens plus riches.
Cependant, du point de vue d’un propriétaire d’entreprise, l’entreprise idéale est un monopole. Hausse des prix des intrants ? Bâillement. Transmettez-les aux clients. Pas besoin d’innover.
Comme le conclut un récent rapport du Bureau de la concurrence, le secteur de l’épicerie au Canada n’est pas très compétitif – une caractérisation qui s’applique à une grande partie des entreprises canadiennes. Cinq grandes chaînes, certaines camouflées sous plusieurs enseignes, dominent le commerce de détail alimentaire. Les indépendants des années passées ont été rachetés, et la faiblesse des lois sur la concurrence n’a pas fait obstacle.
Le 13 juin 2020, les trois principaux épiciers du Canada ont annulé la prime de « salaire de héros » de 2 $ de l’heure accordée à leurs employés au début de la pandémie. Il a été révélé plus tard que les dirigeants des trois sociétés avaient été en contact avant de prendre cette décision.
Le plus choquant était que ce n’était pas illégal.
Plus tôt cette année, le Parlement s’est penché sur cette question. Les accords de fixation des salaires sont désormais interdits en vertu de la loi sur la concurrence. Les entreprises ne peuvent pas s’entendre pour maintenir les salaires à un niveau bas. Sont également illégaux les accords dits de non-braconnage, en vertu desquels les entreprises s’engagent à ne pas offrir d’emploi à leurs travailleurs les unes aux autres. Les deux constituent désormais des infractions pénales.
Le Bureau de la concurrence a également demandé des modifications aux lois provinciales afin d’empêcher les contrôles de propriété dans le secteur de l’épicerie. Par exemple, une grande épicerie pourrait n’accepter de déménager dans un centre commercial que si le propriétaire exclut ses concurrents. Ou bien, un épicier vendant un ancien magasin pourrait subordonner la vente à l’exclusion de ses concurrents. De telles mesures réduisent la concurrence, et pas seulement dans le secteur de l’épicerie.
Au-delà de cela, la loi sur la concurrence doit être modernisée pour rendre plus difficile la fusion des concurrents et plus difficile pour les opérateurs historiques – encore une fois, et pas seulement dans le secteur de l’épicerie – de tuer de nouveaux entrants. Il faudrait envisager de démanteler les chaînes d’épicerie existantes.
Ottawa ne peut pas microgérer les prix des produits alimentaires. Mais elle peut gérer les règles du jeu à grande échelle, afin de favoriser des marchés hautement concurrentiels qui ne laissent aux entreprises d’autre choix que d’offrir de plus grands avantages aux consommateurs, aux travailleurs et à l’économie canadienne.
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