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Nouvelles locales

Ô ta douleur, terre de douceur

C’est un pays de beauté, un pays de douceur, où les chèvres se perchent sur les arbres le long des routes, et d’étranges hangars abritent des étals de fruits et toutes sortes de choses, où le vent du désert caresse les visages et les embruns marins enveloppent l’atmosphère. , nourrit l’air, et dégage un parfum d’épices et de bois de cèdre, ce bois à l’odeur caractéristique avec lequel les ébénistes construisent des meubles en marqueterie et des coffrets secrets. C’est une terre ancestrale, remplie de poésie. Personne n’est étranger ici. Tout le monde est accueilli avec hospitalité. C’est un pays qui persiste, entre rêve et réalité, à s’unir dans la fraternité. Le Maroc a un prestige et une aura que d’autres pays n’ont pas et qui donne un air de famille à ceux qui y sont nés.

Mon père est né à Casablanca, ma mère à Marrakech. Leurs souvenirs se précipitent au souvenir du tremblement de terre et ils se souviennent de celui d’Agadir, en 1960, avec désolation et tristesse. Ils se souviennent de Marrakech, à cinq heures du soir, sur la place Djema El-Fna, avec les charmeurs de serpents et les vendeurs de je ne sais quoi, les boutiques colorées, les sens submergés par le tumulte et les cris, la diction des conteurs, les odeurs des vendeurs d’épices et d’essences, et les caravanes de tajines d’épaules de mouton et de poulet aux dattes.

Quand elle était petite, avec ses sœurs, ma mère s’abritait sous les arbres quand le soleil était chaud et répandait sa poussière d’or sur l’ocre rouge des immeubles. Elle se promenait dans les jardins de la Mamounia, le palais où les sultans organisaient des banquets pour leurs invités. Elle a grandi au son de l’appel du muezzin qu’on entendait partout, partout où l’on allait, au pied des montagnes enneigées du Haut Atlas en hiver et non loin de la Palmeraie et des collines d’oliviers. Et partout on se salue, partout on se parle, on se reconnaît et on discute. Partout, des étals, des vendeurs d’épices multicolores qui chatouillent les narines, des rangées d’orangers aux senteurs acidulées.

Je l’imagine quand, enfant, elle accompagnait sa mère pour aller au marché, s’enivrant de l’odeur des épices, du parfum du thym, de la menthe et de l’absinthe, du cumin et du paprika, et surtout de l’épice d’orange qui tache et parfume tous les plats, curcumine. Cris d’hommes et cris d’animaux, de chiens, de chats, de volailles et d’ânes, d’enfants qui pleurent, de marchandages et de grincements de roues. Un bruit que mon père aime rencontrer lorsque, de retour au Maroc, on s’enfonce dans les méandres du souk comme dans le labyrinthe du temps, puisque rien n’y a changé. On y voit des couturiers et tailleurs, des marchands de tissus, des pharmacies, des étals de fruits et légumes. Je n’ai jamais senti mon père aussi heureux que dans son pays natal. Pour lui, toutes les portes sont ouvertes. Quand je suis surpris, répond-il, c’est avec la gentillesse qu’il faut demander. C’est une leçon que j’ai apprise : ici, toutes les portes s’ouvrent avec le sourire. Et quand il enseigne, une lumière brille sur son visage, comme une révélation. Ce sourire est la quintessence du Maroc.

Dans les images à la télévision, on suit un enfant qui déambule au hasard dans les rues délabrées d’une ville, avec ses minarets où les cigognes font leur nid, ses boutiques, ses cinémas et ses cafés. Où sont les maisons aux grands balcons en bois ouvragés où les familles s’assoient pour prendre l’air ? Et les ruelles étroites, les ateliers de bijouterie ciselés d’or ou d’argent, sertis de pierres ou d’émaux, les marchands accroupis, et ce brouhaha joyeux au milieu des invectives et des rires ? Où sont les femmes couvertes de châles multicolores qui accompagnent les mariées dans le cortège, précédées d’un plateau rempli de pâtisseries et de cadeaux, cadeaux de la famille du marié à la future épouse ? Et dans cette terre ancestrale, où tout est sacré, un soleil de feu inonde le village qui se situe au pied des montagnes du Rif, non loin du sanctuaire où se trouve le tombeau du rabbin Amram Ben Diwan, au sommet d’un paysage luxuriant. colline et colorée d’arbres fruitiers, d’orangers, de grenadiers et d’oliviers sauvages.

Chaque année, au mois d’août, les pèlerins se rendent au tombeau du vénérable maître, à l’occasion de Hiloula, c’est-à-dire la célébration de sa mort considérée comme un « mariage » car les saints, dit-on, ne meurent jamais. Mais comment devient-on un « saint » ? En renonçant à ce monde profane pour consacrer sa vie à la transmission, dit mon père. Bientôt les fidèles chanteront des psaumes. Chacun déposera son cierge allumé sur le tombeau, recouvert d’un monticule de pierres, fera des vœux, priera avec dévotion, penché de haut en bas, un livre à la main. Une atmosphère unique flottera dans ce lieu et chacun pleurera pour le Maroc, pays de douleur, pays de douceur.

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Photo de Gérard Truchon

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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