Massacre à la tronçonneuse restauré

Thriller psychologique? Robert Rodriguez nous explique le principe, avec les curseurs poussés à l’extrême à chaque étape d’Hypnotic…
Robert Rodriguez avoue volontiers avoir eu l’idée et l’envie deHypnotiques depuis plus de vingt ans et qui lui serait venue après avoir vu sur grand écran une version restaurée de l’incontournable Cold Sweat, d’Alfred Hitchcock. Et s’il reste (un tout petit) quelque chose plus de deux décennies plus tard – et de multiples ébauches du scénario retravaillées – dans la manière dont son héros du jour apparaîtra longtemps plus suiveur qu’acteur de son destin, le parallèle se diffuse vite. . D’abord parce que ce n’est pas une insulte à son égard de dire que Ben Affleck, bien que parfait ici dans sa partition, ne sera jamais Cary Grant ou James Stewart ; ensuite parce que « faire son Hitchcock » n’était pas le but de l’opération.
Car, qu’il vive avec cela depuis des lustres ou qu’il s’y attaque de front, le directeur de Du crépuscule jusqu’à l’aube, Enfants espions Et Ville du péché (aller vite à notre tour) sait que son point fort est d’aller le plus souvent à l’essentiel, à savoir le nerveux, le spectaculaire. Dans ce, Hypnotiques ne fait pas exception à la règle, du moins dans un premier temps. Attaque de banque, cascades de voitures, armes en liberté : rien ne manque à… l’arsenal de la maison.
Mais on ne reporte pas-retravaille un projet pendant vingt ans si ce n’est que pour faire connaître au monde plus ou moins ce qu’on a déjà fait, même (très) bien fait. Vient maintenant l’élément clé : l’hypnose, la manipulation mentale, ou plutôt ces « hypnotiques » qui sont visiblement prêts à tout pour que le malheureux Rourke-Affleck ne retrouve pas sa fille victime d’un enlèvement. Dans cet Austin qu’on a parfois du mal à reconnaître/identifier en dehors de quelques extérieurs – mais où Rodriguez possède désormais ses propres studios et aurait pour l’occasion « recyclé » certains décors de son Alita : Battle Angel –, faux-semblants et chasses au trésor peuvent puis mettez-vous en route et permettez au particulièrement retors Lev Dellrayne (impeccable William Fichtner) d’enfiler le costume de salopard absolu, voire une redingote qui réveillera quelque mémoire Matrixienne lorsque ce dernier sautera du toit d’un immeuble pour disparaître comme s’il par magie.
Mais si une référence doit être collée sur le manteau de ce Hypnotiques « à plusieurs niveaux » est bien celui de Christopher Nolan et de son Inception, lorsque les routes que cherchent à emprunter Rourke et cette voyante d’un nouveau genre (Alice Braga), devenus fugitifs, se heurtent soudain à une dimension parallèle. Là où Nolan n’a pourtant jamais peur du méta – qu’il s’agisse de métaphysique, de métaphore (ou même de métallurgie ?) – Rodriguez ne perd jamais de vue que le divertissement reste son autre obsession majeure, une autre branche de son ADN.
Certains ne manqueront pas d’en voir la limite Hypnotiques, dont la dernière demi-heure est néanmoins judicieusement prenante après un changement de « familles » ; de le ramener immédiatement dans la case « B-movie » sous prétexte qu’il ne cherche jamais à afficher une quelconque prétention. Rodriguez (probablement) s’en fiche et nous aussi. Pour une fois qu’un mal de tête ne se termine pas par un mal de tête, on ne va pas se plaindre, hein ?
Xavier Bonnet
Retrouvez cette revue d’Anatomie d’une chute et bien d’autres dans notre numéro 155, prochainement disponible. Découvrez nos formules d’abonnement.
Réalisateur : Robert Rodríguez
Distribution :
Ben Affleck dans le rôle de Danny Rourke
Alice Braga dans le rôle de Diana Cruz
JD Pardo : Pseudonymes
Hala Finley dans le rôle de Minnie
Dayo Okeniyi : Rivière
Jeff Fahey dans le rôle de Carl
Jackie Earle Haley dans le rôle de Jérémie
William Fichtner dans le rôle de Dellrayne
Grb2