Marine Le Pen et Jordan Bardella reviennent à Beaucaire et s’y voient déjà
PASCAL GUYOT/AFP
Marine Le Pen sur scène aux arènes de Beaucaire ce samedi 16 septembre.
POLITIQUE – » Hier nous avons eu Véran et il faisait beau. Aujourd’hui c’est Marine (Le Pen), et il pleut « . Ce samedi 16 septembre au petit matin, la météo est menaçante à Beaucaire. L’occasion pour le propriétaire d’un café bordant le Rhône de tenter une analyse météorologique et politique. Un ciel lourd qui contraste avec l’horizon dégagé sur lequel le Rassemblement National mise sur cet entame politique. Fort d’enquêtes flatteuses et d’informations permettant de dérouler son discours, Jordan Bardella affiche un visage joyeux en fin de matinée.
Devant un petit comité de journalistes, le staff Lepéniste joue la carte de la sérénité en répétant inlassablement la même chose : ils n’ont jamais été aussi prêts. « En 2019, la campagne n’a commencé qu’en janvier, nous sommes très en avance », se félicite un lieutenant du président du RN. L’enjeu de ce début houleux : mobiliser les électeurs pour assurer la première place aux élections européennes. » Il faut marteler la date du 9 juin », répètent les membres du premier cercle, tandis que la date apparaît dans le slogan placardé sur scène, et décliné sur les t-shirts et casquettes distribués aux militants.
« Force d’alternance »
« Il faut finir d’abord pour montrer que nous sommes symboliquement la force de l’alternance », résume Thierry Mariani dans les allées du « village de régions « . Un espace aux faux airs de foire de produits régionaux où l’on voit Marie-Caroline Le Pen investir les Lacs du Connemara. Dans la matinée, l’entourage de sa sœur Marine Le Pen avait craché le morceau : la proposition que la Le patron du groupe RN fera consiste à défendre à l’international une obscure Déclaration des Droits des Nations et des Peuples.
Un document censé libérer les pays signataires de « des organisations supranationales qui dépassent leurs pouvoirs » et qui doit être compris comme un « critique du fonctionnement actuel de l’Union européenne, mais aussi du rôle joué par les Gafam ». Soit dit en passant, Marine Le Pen l’assure, il ne s’agit pas d’un gadget de communication visant à façonner une stature internationale en vue de 2027.
La preuve : l’objectif est de faire adopter ce principe via le vote d’une résolution au Parlement européen et, en France, de l’inscrire dans le bloc de constitutionnalité via « un projet de loi constitutionnel » (PPLC) qui sera bientôt déposé. Problème : ce PPLC n’apparaît pas dans le texte de la niche parlementaire RN prévue le 12 octobre. Autant dire que ce texte n’a quasiment aucune chance d’être mis à l’ordre du jour au Palais Bourbon. Alors que le ciel s’éclaircit un peu, le Gard est placé en alerte orange pluie et inondations.
Ambiance étrange
A 13 heures, un collectif citoyen organise un rassemblement place de la République. Une centaine de militants locaux expriment pacifiquement leur hostilité au Rassemblement national. Au moment où ces derniers posent derrière un drapeau LGBT barré du mot « paix », un groupe de collaborateurs parlementaires RN, habillés en tenue de mariage et attablés en terrasse, les applaudissent avec de grands rires. Étrange ambiance dans les rues de la cité gardoise, qui voit des armées de cadres en cravate respirant la confiance.
L’après-midi avance, les nuages reviennent. Mais l’événement RN semble épargné par les baisses. » Je vois cela comme un bon signe pour l’avenir », s’amuse le député Laurent Jacobelli, dont le large sourire trahit l’optimisme. Le soleil fait enfin son apparition, et c’est sur une musique épique aux accents électro que Jordan Bardella fend la foule électrisée en manches de chemise. Accueilli comme une rock star, le président du RN place son discours sous le signe du « La France qui travaille » d’un ton solennel. Un effet de gravité réduit à néant par un « Jordan je t’aime ! » a hurlé un activiste, provoquant les rires du public.
La tête de liste européenne reprend le fil de son discours, et place une petite punchline testée le matin même auprès des journalistes : « Un projet de récupération n’a de sens que s’il combine le verbe être et le verbe avoir « . Ou les deux piliers du projet RN pour l’élection à venir : identité et pouvoir d’achat. » Tout le monde, y compris le journal Libérer, est d’accord : nous pouvons gagner la prochaine élection présidentielle », poursuit Jordan Bardella, après avoir longuement fait applaudir Marine Le Pen.
Le Pen dégaine sa « Déclaration des droits des peuples »
Après une quarantaine de minutes de discours, c’est la chef Marine Le Pen qui monte sur scène, sous des acclamations et « Président de la Marine ». Évoquant « l’année décisive » qui s’ouvre, le député du Pas-de-Calais appelle à la mobilisation : « les gens doivent aller voter « . 18h55, les micros coupés, alors que Marine Le Pen criait » la technocratie bruxelloise » et alerté sur le « images dramatiques qui viennent de Lampedusa « .
Un sujet migratoire sur lequel elle a glissé un peu le tacle de Giorgia Meloni, et par ricochet à Reconquête !, qui menace la première place visée par le RN en juin. » Il est inutile de faire appel à l’aide de l’UE comme un enfant appellerait sa mère « , a-t-elle ironisé, tandis que Marion Maréchal de Lampedusa accusait la France et l’UE d’avoir » abandonné » L’Italie face aux migrants.
Toujours gênée par des problèmes de sonorisation, la présidente du groupe RN a finalement lâché le concept phare de sa rentrée : « Aujourd’hui, j’exprime le souhait qu’une Déclaration solennelle des droits des peuples et des nations soit promue « . Un texte de 16 articles qui garantirait » le droit inaliénable des nations » et que Marine Le Pen a confirmé vouloir se défendre à l’étranger. Elle sera également en Italie ce dimanche pour lui vendre cette charte » ami » Matteo Salvini, numéro deux du gouvernement de… Giorgia Meloni.
Selon le candidat putatif à l’élection présidentielle de 2027, cette charte permettra de « créer les outils de liberté pour toutes les nations du monde « . Mais on comprend surtout que son but est de s’affranchir des règles européennes, puisqu’il s’agit de » redonner aux Français les leviers souverains qui n’auraient jamais dû leur être confisqués en matière économique, énergétique, migratoire ou fiscale, leviers indispensables à la relance française « . A la sortie de l’arène, c’est le conseiller spécial de Marine Le Pen, Philippe Olivier, qui donne de sa personne en distribuant lui-même des copies de ce document. Il se dit fier de cela » innovation », démontrant, selon lui, le statut présidentiel de la fille de Jean-Marie Le Pen. A 20 heures, pas un seul nuage ne recouvre le ciel de Beaucaire.
Voir aussi sur le HuffPost :
hd1