les Pays-Bas face à leur passé colonial

Le Palais royal des Pays-Bas a annoncé le 20 novembre son intention de revoir ses collections d’origine coloniale. Objectif : faire la lumière sur les objets qui auraient pu être pris de force, et examiner les demandes de restitution.
Le mouvement mis en branle ailleurs en Europe semble difficile à ignorer dans ce royaume au long passé colonial en Indonésie. La reine Maxima, à la tête de la Fondation des collections historiques de la Maison d’Orange-Nassau (Shvon), veut faire le tri parmi les peintures, sculptures, vases, vaisselle et documents amassés par sa famille au fil des siècles.
Le comité d’experts, qui y travaillera pendant dix-huit mois, sera présidé par Rudi Ekkart, une sommité. Cet ancien président de l’Institut néerlandais d’histoire de l’art est connu pour ses enquêtes sur les œuvres volées à des familles juives pendant l’occupation allemande. Il a notamment identifié en 2015, dans les collections royales, une œuvre de Joris van der Haagen, un maître de la peinture flamande, puis rendu aux descendants d’un collectionneur juif dépossédé en 1942. La reine Juliana avait acquis l’œuvre auprès d’un marchand d’art. en 1960, sans savoir d’où il venait.
Demande de restitution par l’Indonésie
La décision de la reine Maxima intervient à un moment où les Pays-Bas, après de nombreuses atermoiements, ont finalement décidé de présenter des excuses officielles en décembre pour leur participation à la traite transatlantique des esclaves. Un musée sur l’esclavage sera érigé, pour 27 millions d’euros, tandis que 200 millions d’euros iront à un meilleur « sensibilisation » des Hollandais sur leur passé colonial et esclavagiste.
L’Indonésie a demandé au royaume en juillet dernier de restituer huit importantes collections d’œuvres d’art et de sciences naturelles, considérées comme des biens pillés. Le Musée national des cultures du monde (NMVW) a réagi en indiquant avoir « a déjà enquêté sur l’origine de ces objets, et que les rapports sont prêts ». Il s’agit notamment de quatre statues de l’est de Java, des rênes d’un cheval tenues par un ancien roi et d’un Coran du résistant indonésien Teuku Umar.
Dans les demandes de restitution se trouve aussi ce qui reste du fameux « trésor de Lombok ». Cet impressionnant amas de bijoux, de pierres précieuses, d’or et d’argent avait été volé à la monarchie de l’île de Lombok, après sa défaite face à l’envahisseur hollandais.
Sur l’insistance de Jakarta, qui envoya une première requête en 1949, puis des émissaires à La Haye dans les années 1970, la moitié de ces richesses avait été restituée en 1978. L’autre moitié reste dans les collections du Musée d’ethnographie de Leyde, émanation de le NMVW.
La calotte des Javanais, pomme de discorde
Mais c’est une autre pomme de discorde qui apparaît déjà, autour d’un chef-d’œuvre de la collection du musée du Naturalis Biodiversity Center de Leiden : le célèbre « Calotte javanaise », témoin du « chaînon manquant » dans l’évolution du singe à l’homme. Le crâne est accompagné d’un fémur et d’une molaire, dans la salle où est exposée la « collection Eugène Dubois ». Ce médecin et anatomiste limbourgeois, mort en 1940, a passé des années en Indonésie à faire des recherches à la fin du XIXe siècle, qui lui ont permis de déterrer 40 000 ossements.
« On ne peut pas simplement déplacer ces éléments en Indonésie, il faut un laboratoire, des connaissances, des échanges et la possibilité de partager toutes les données », a déclaré en octobre Corine van Impelen, porte-parole du musée Naturalis. Le musée a indiqué qu’un comité serait formé pour « décider où les objets peuvent être conservés au mieux ».
Une première réaction jugée « d’une supériorité mal placée » par Sadiah Boonstra, membre d’un comité gouvernemental indonésien regroupant les musées nationaux. » Nous sommes indépendants depuis plus de soixante-dix ans. Bien sûr, nous avons les capacités, cela ne fait aucun doute. » dit l’historienne Bonnie Triyana, secrétaire du comité indonésien, qui a soumis la liste des huit collections et objets à restituer.
Un chercheur néerlandais de Naturalis enfonce le clou : « Les trésors artistiques sont bien sûr fabriqués à la main par les populations locales. Mais le crâne de Java n’aurait pas été retrouvé si le Néerlandais Dubois n’avait pas mis en place un programme de recherche. » En attendant une réaction officielle des Pays-Bas, la polémique ne fait qu’enfler.
——-
Les bronzes du Bénin réunis numériquement
Alors que le Nigeria négocie la restitution des célèbres bronzes béninois, volés lors de la colonisation britannique et aujourd’hui éparpillés dans le monde, la plateforme interactive Digital Benin a rassemblé les descriptions détaillées et les photos de plus de 5 000 objets présents dans 131 institutions à travers le monde.
L’affichage, le 15 novembre, intervient alors que la dynamique internationale pousse au retour des œuvres africaines pillées par les anciennes puissances coloniales. L’Allemagne renvoie actuellement des centaines de bronzes du Bénin au Nigeria, où un musée est en cours de construction pour abriter ces œuvres.
New Grb1