Les députés français déposent une motion de censure, des affrontements éclatent sur la réforme des retraites

Vendredi, les manifestants ont affronté la police à Paris et dans d’autres villes pour la deuxième nuit consécutive après que le président français Emmanuel Macron a fait adopter une réforme des retraites par le parlement sans vote. Plus tôt vendredi, les législateurs de l’opposition ont déposé une motion de censure contre le gouvernement au milieu de la colère croissante du public.
La police anti-émeute a affronté des manifestants vendredi soir à Paris et dans d’autres villes alors qu’une nouvelle manifestation a éclaté contre les mesures du gouvernement français visant à relever l’âge de la retraite dans le pays.
Sur la place de la Concorde au cœur de la capitale française, une manifestation festive réunissant plusieurs milliers de personnes, avec des chants, des danses et un immense feu de joie, a dégénéré en une scène faisant écho à la veille.
La police anti-émeute a chargé et lancé des gaz lacrymogènes pour vider l’immense place face à l’Assemblée nationale après que des fauteurs de trouble aient grimpé sur des échafaudages sur un chantier de rénovation, s’armant de bois. Ils ont lancé des feux d’artifice et des pavés sur la police dans une impasse.
La police a déclaré avoir procédé à 61 arrestations.
Les affrontements sont survenus quelques heures après la le groupe centriste Liot a déposé une motion de censure multipartite à l’Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, qui a été cosignée par l’extrême gauche NUPES (Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale) Alliance.
« Le vote de cette motion va nous permettre de sortir d’une crise politique profonde », a déclaré Bertrand Pancher, patron du groupe Liot.
Des heures après, Le parti d’extrême droite du Rassemblement national, qui compte 88 députés à l’Assemblée nationale, a également déposé une motion de censure.
« Nous voterons sur toutes les motions de censure présentées », a déclaré la députée du Rassemblement national Laure Lavalette. « Ce qui compte, c’est que ce projet de réforme diabolique tombe », a-t-elle ajouté.
En vertu de la loi française, les parlementaires peuvent voter sur plus d’une motion de censure dans la chambre. Un vote de censure requiert une majorité, c’est-à-dire un minimum de 287 voix à l’Assemblée nationale.
Le dépôt de la motion de censure est intervenu alors que les manifestants bloquaient une autoroute clé autour de Paris et intensifiaient les grèves dans les raffineries dans une nouvelle manifestation de colère après que Macron ait fait passer la réforme controversée des retraites en invoquant l’article 49.3 de la constitution.
L’article 49.3 accorde à l’exécutif du gouvernement le privilège d’adopter un projet de loi sans vote parlementaire. L’invocation de l’article 49.3 permet également à l’opposition de répondre par une motion de censure.
« Macron se fout du peuple »
Macron a fait du relèvement de l’âge minimum de la retraite une priorité essentielle de son second mandat, arguant que sa réforme profondément impopulaire est nécessaire pour rendre l’économie française plus compétitive et empêcher le système de retraite de sombrer dans le déficit.
Sa décision de contourner le Parlement a déclenché des manifestations dans tout le pays jeudi soir, avec des centaines d’arrestations dans tout le pays, selon le ministre de l’Intérieur.

Soumaya Gentet, 51 ans, membre du syndicat CGT de la chaîne de supermarchés Monoprix, a déclaré qu’elle était furieuse et qu’elle continuerait à manifester jusqu’à ce que le projet de loi soit abrogé.
« Ils ne tiennent pas compte de ce que les gens veulent », a-t-elle déclaré.
Sa collègue Lamia Kerrouzi a accepté. « Macron ne se soucie pas des gens », a-t-elle déclaré.
« Il ne comprend pas la langue du peuple. Il faut l’abroger. »
Dans le secteur de l’énergie, les grévistes devaient arrêter la production d’une grande raffinerie d’ici ce week-end ou lundi au plus tard, a déclaré le représentant syndical CGT Eric Sellini.
Les travailleurs étaient déjà en grève continue sur le site nord de TotalEnergies de Normandie, mais l’arrêt de la production aggraverait l’action revendicative.
Les grévistes ont continué à livrer moins de carburant que la normale depuis plusieurs autres sites, a-t-il ajouté.
>> Pour en savoir plus : Un après-midi caniculaire dans la politique française alors que Macron utilise « l’option nucléaire » pour relever l’âge de la retraite
‘Jouer avec le feu’
Peu de temps après que la Première ministre française Élisabeth Borne a annoncé le déclenchement de l’article 49.3 jeudi après-midi, des milliers de manifestants se sont rassemblés sur la place de la Concorde, de l’autre côté de la Seine depuis le parlement.
La police a tiré des gaz lacrymogènes alors que des manifestants en colère lançaient des pavés sur les agents de sécurité. Dans plusieurs autres villes françaises, dont Marseille, il y a aussi eu des protestations spontanées contre la réforme.
Les troubles qui ont suivi ont vu 310 personnes arrêtées dans toute la France, dont 258 à Paris, a déclaré le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à la radio RTL.
« L’opposition est légitime, les manifestations sont légitimes, mais faire des ravages ne l’est pas », a-t-il déclaré.
Macron a placé la réforme des retraites – qui vise également à augmenter le nombre d’années de travail pour percevoir une pension complète – au centre de sa campagne de réélection l’année dernière.
Mais l’ancien banquier de 45 ans a perdu sa majorité parlementaire en juin après les élections à la chambre basse de l’Assemblée nationale.
Les législateurs de l’opposition se sont moqués et hués alors que Borne invoquait l’article controversé 49.3 pour faire adopter jeudi la loi sur les retraites, n’ayant pas réussi à assurer la majorité.
Borne, dont la position est maintenant en jeu, a utilisé l’échappatoire contestée pour contourner un vote du Parlement 11 fois depuis qu’il est devenu Premier ministre l’année dernière.
L’influent journal Le Monde a averti que Macron « jouait avec le feu ».
« Si le pays glisse dans un nouvel accès de colère ou s’enferme dans une paralysie vengeresse, l’exécutif n’aura qu’à s’en prendre à lui-même », a-t-il déclaré dans un éditorial.
(FRANCE 24 avec AFP, AP et REUTERS)
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