Les agriculteurs du sud-ouest de la France frappé par la sécheresse invoquent Saint-Gaudérique pour la pluie

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Confrontés aux pires sécheresses depuis 1959, les agriculteurs de la région catalane du sud-ouest de la France se sont tournés samedi vers leur patron Saint-Gaudérique pour aider à faire tomber les pluies, transportant les reliques du saint dans les rues de Perpignan.
Quelque 1 000 personnes – membres du clergé, agriculteurs, confréries religieuses et locaux – ont pris part à la procession de samedi, faisant revivre un ancien rituel catholique pour la première fois en 150 ans.
Ils ont transporté un buste reliquaire et les ossements de Saint-Gauderique de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste, où ils sont conservés, jusqu’à la Têt.
Ses niveaux d’eau, comme tous les fleuves de la région, sont maintenant à un niveau inquiétant après des mois de sécheresse hivernale.
« A un moment donné, la situation devient tellement critique que nous faisons sortir tous les saints possibles, nous appelons tout le monde », a déclaré l’agriculteur Julien Bousquet alors qu’il défilait dans la ville.
Le département des Pyrénées-Orientales connaît sa pire sécheresse depuis 1959 et le niveau des eaux souterraines est très bas dans 80% de la région, a déclaré la semaine dernière le Bureau français de recherches géologiques et minérales (BRGM).
« C’est très inquiétant, mais nous avons de l’espoir. Il faut prier, on aura de l’eau », a déclaré Damien de Besombes, vigneron de 50 ans.
Faire revivre la tradition
Saint-Gaudérique (Galdéric en catalan), laboureur du IXe siècle originaire de la région, est vénéré dans l’église catholique comme le patron des agriculteurs. On pense qu’il a fait des miracles – apportant de la pluie en période de sécheresse, un temps sec en période d’inondation.
Il était l’un des saints catalans « les plus célèbres et les plus admirés » et était « traditionnellement sollicité pour des problèmes d’eau », a déclaré Benoit de Roeck, archiprêtre de la cathédrale de Perpignan, à l’agence de presse AFP.
La première trace du rituel remonte à 1014.
Entre le XIe et le XIXe siècle, « 800 processions ont eu lieu en son honneur dans la région », précise l’historien Jean-Luc Antonizazzi.
Alors que la Saint-Gaudérique est toujours marquée le 16 octobre, l’avènement de l’industrialisation a mis fin au rituel et il n’est plus pratiqué depuis quelque 150 ans, a déclaré Roeck.
Le fermier Charles Puig, catholique, et édile du parti d’extrême droite Rassemblement national (RN), a décidé qu’il était temps de se relancer.
« Quand j’ai vu le niveau très bas du lac de Vinça début février, j’ai décidé de contacter l’évêque pour faire revivre la tradition Saint-Gaudérique », a-t-il déclaré. Le Monde quotidien.
L’historien Jean-Luc Antoniazzi, également en charge des relations épiscopales au sein de la mairie de Perpignan, a affirmé que le cortège était « purement religieux » et non politique.
Mais Agnès Langevine, vice-présidente du conseil régional en charge de l’écologie, a dit regretter « d’avoir fait appel au divin, alors que les solutions politiques existent ».
De plus, le maire d’extrême droite de Perpignan, Louis Alliot, a tout à gagner d’un tel cortège, dit-elle.
« Après le retour des armoiries de Saint-Jean sur les logos de la mairie, la multiplication des messes traditionnelles, Alliot s’en frotte les mains. »
‘Point de rupture’
Quels que soient les motifs de la procession, les agriculteurs sont de plus en plus désespérés.
« On s’accroche à tout maintenant », a déclaré le maraîcher André Trives, qualifiant la situation de « catastrophique ».
« Nous savons que les réserves ne seront pas reconstituées avant avril-mai (…) donc d’ici le 15 août il n’y aura plus d’eau. »
Depuis octobre, le département des Pyrénées-Orientales n’a enregistré que 159,4 mm de pluie, soit un déficit de plus de 60 % par rapport aux moyennes saisonnières, selon l’office météorologique français Météo-France.
La préfecture a imposé de lourdes restrictions d’eau en prévision de la sécheresse estivale. Mais certains agriculteurs sont scandalisés par ce qu’ils considèrent comme un manque de contrôle.
« Les agriculteurs ne peuvent plus gérer leur eau, les technocrates et une foule de services de l’Etat font ça », s’indigne Gérard Majoral, agriculteur et membre de la chambre d’agriculture.
« Nous avons été les premiers à économiser les ressources en eau et maintenant on nous empêche d’irriguer. La profession est au point de rupture », a-t-il déclaré. Le Monde.
Et les pluies sont venues
Peu de temps après la fin de la cérémonie de samedi, le ciel s’est ouvert, comme l’avait prévu le bureau météorologique.
Midi libre online a rapporté que 36,8 mm de pluie étaient tombés en 24 heures, soit l’équivalent de trois semaines de la moyenne saisonnière.
Manne du ciel, peut-être, mais loin d’être suffisante pour pouvoir pénétrer un sol durci par la sécheresse en cours.
« Il faut qu’il pleuve pendant des semaines pour qu’il s’infiltre dans le sol et recharge les nappes phréatiques », précise Julien Bousquet.
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