Les agriculteurs canadiens s’attendent à la récolte la plus coûteuse de tous les temps

De mémoire d’agriculteur canadien, la situation est inédite : la récolte 2022 pourrait figurer dans le livre des records comme le plus cher de tous les temps dans le pays, sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, l’inflation et ses effets contagieux sont les plus importants.

Des prix proches des sommets

Ainsi, en raison notamment de la guerre en Ukraine, le coût des engrais a doublé en un an. Selon Cornie Thiessen, directrice générale d’une entreprise de Winnipeg qui commercialise des fongicides, des herbicides et des insecticides, certains de ces intrants sont devenus beaucoup plus chers et plus difficiles à trouver en partie à cause des perturbations dans les usines de fabrication et des retards de livraison.

Les prix du diesel utilisé pour faire fonctionner les équipements agricoles ont presque doublé par rapport à l’année dernière à la même époque. Même les prix des pneus de tracteur ont connu une augmentation en 2022.

Les coûts de certaines graines ont atteint des niveaux rarement vus, dit Jon Driedger, de Recherche sur les produits LeftFieldune entreprise manitobaine qui se spécialise dans la recherche de données sur le prix des semences.

 » Il existe plusieurs cultures [dont les prix ont atteint] des sommets sans précédent, ou presque. Comparativement à il y a deux ans, le prix du canola a doublé, voire triplé. Celui du blé est supérieur à il y a 20 ans, le maïs a atteint un niveau record. C’est vraiment une augmentation générale. »

Le défi de la rentabilité

Cette situation pose un défi majeur aux agriculteurs, celui de la rentabilité. Tara Sawyer, qui exploite une ferme familiale au nord-ouest de Calgary avec son mari, en est bien consciente. Elle sait déjà qu’elle devra réaliser une récolte supérieure à la moyenne cette année pour atteindre le seuil de rentabilité.

Pourtant, cette perspective s’annonce comme un tour de force : l’exploitation de l’agriculteur albertain a été durement touchée par la sécheresse qui a frappé l’Ouest canadien en 2021. Un scénario encore redouté cette année.

 » La plupart des agriculteurs, y compris nous, ont constaté une réduction de 30 % de nos rendements. Pour compenser cette baisse, nous devrons obtenir des rendements significativement plus élevés cette année. Mais dans notre région, les sols sont déjà horriblement secs, donc nous sommes inquiets. »

Outre les conséquences de la sécheresse, il y a aussi le fait que l’approvisionnement des produits que cultive Tara Sawyer – blé, orge et canola – est soumis à une forte pression causée par la guerre russo-ukrainienne. Cela accentue les enjeux de rentabilité.

Les prix très élevés des cultures modifient l’économie des agriculteurs en ce qui concerne le montant qu’ils investissent pour protéger la récoltesouligne Cornie Thiessen à cet égard.

Retard des semis et insécurité alimentaire

Alors que les agriculteurs de l’Alberta craignent une nouvelle saison sèche, leurs collègues du Manitoba ont du mal à accéder à leurs terres en raison des inondations et de l’excès d’humidité, tandis que ceux de l’est de la Saskatchewan vivent également dans la crainte d’éventuelles inondations.

Tous ces facteurs font que cette année les récoltes au Canada pourraient devenir non seulement les plus chères de l’histoire, mais aussi, à certains égards, les plus risquées, prévient Jon Driedger.

Une analyse partagée par Cornie Thiessen, qui souligne également l’importance de voir les agriculteurs canadiens réaliser une excellente récolte cette annéenotamment pour ne pas exacerbent les problèmes de sécurité alimentaire.