Le Sénégal rêve de briser le plafond de verre des équipes africaines

Février 2022. Pour la première fois de son histoire, l’équipe de football du Sénégal soulève un trophée en remportant la Coupe d’Afrique des Nations. Une performance qui a fait la fierté de tout un peuple mais qui n’est pas encore comparable dans le cœur de nombreux Sénégalais à ce qu’on appelle dans l’univers médiatique local : « l’épopée de 2002 ». La Coupe du monde au Qatar qui débute lundi 21 novembre pour les Lions de la Teranga peut permettre à cette génération de changer la donne.

L’aventure de 2002, Amdy Faye l’a vécue intensément. Ce milieu de terrain « box to box », c’est-à-dire efficace dans les deux surfaces selon le jargon du football anglais, a été l’un des 23 joueurs de ce Sénégal qui a réalisé en 2002 la meilleure performance d’une équipe africaine en Coupe du monde (à égalité avec le Nigéria en 1990 et le Ghana en 2010).

« Le Sénégal est champion du monde »

« Nous étions sûrs de nous », se souvient-il lorsqu’il est invité à se replonger dans le passé, dans le hall d’un grand hôtel du centre-ville de Dakar. « Nous jouions dans les mêmes clubs que les joueurs français de l’époque. Je me souviens bien du jour du tirage au sort. J’étais avec Djibrill Cissé, mon coéquipier à l’AJ Auxerre (attaquant de l’équipe de France en 2002, NLDR). Quand le Sénégal est tombé dans le groupe de la France, il s’est moqué de moi en me disant qu’on allait être des figurants à la Coupe du monde. A l’arrivée, on les a bien battus », plaisante-t-il en éclatant de rire.

Une victoire contre « le pays colonisateur » précise-t-il ironiquement, qui avait été célébrée dans une indescriptible euphorie dans les rues de Dakar. Le président Abdoulaye Wade avait même déclaré lors d’un défilé dans les rues de la capitale et devant une foule enthousiaste et en liesse : « Aujourd’hui en battant l’équipe qui est championne du monde, le Sénégal est champion du monde.

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Vingt ans plus tard, sur un terrain sablonneux du quartier Nord Foire de Dakar près de la Voie de Dégagement Nord, l’un des axes les plus stratégiques de la ville, on constate que la passion sénégalaise pour le football est toujours vivace. . Les jeunes jouent au « calcio », terme italien utilisé au Sénégal pour désigner ces matchs de football entre amis avant la tombée de la nuit. Assis sur un pneu au bord de la surface de jeu, Idrissa regarde ses amis jouer tout en leur donnant de temps en temps des consignes, à la manière d’un entraîneur : « Restez calme. Il tourne le dos au jeu. Ne vous trompez pas ». Malgré la consécration du Sénégal pour la première fois dans une compétition internationale lors de la dernière CAN, il garde un souvenir plus profond de l’exploit réalisé par la génération 2002. Il avait 11 ans lors de la Coupe du monde d’Asie.

« J’étais comme un fou le soir du 6 février après le penalty de Sadio Mané qui a permis au Sénégal de gagner la CAN. J’ai fait le tour de la ville en débardeur et fêté notre victoire jusqu’au bout de la nuit. Mais j’avoue que côté émotions , la Coupe du monde 2002 a été encore plus forte même si nous avons été éliminés en quart de finale », explique-t-il.

Garder les pieds sur terre

Le maillot blanc à manches vertes et rouges de 2002 est devenu tellement mythique qu’il est aussi courant de voir les Sénégalais le porter dans les rues de la capitale que les maillots récents. Cette tunique, Mouhamed Ghandour en garde jalousement une dans sa pharmacie, située au Plateau, au cœur du centre-ville de Dakar. Ce pharmacien s’est fait une place dans le football sénégalais en côtoyant et en tissant des liens d’amitié avec des générations de footballeurs sénégalais de 1986 à 2002. En 2017, il co-dirige comme entraîneur adjoint l’équipe du Sénégal au football à 7. Coupe du monde de football ou mini-football. Il est aujourd’hui l’un des consultants footballistiques les plus en vue sur la RTS1, la télévision nationale. Il analyse également le football africain sur BBC Africa.

« J’ai été un spectateur privilégié des exploits de la Génération 2002. Les joueurs de cette équipe sont de bons amis. On dit parfois que les équipes qui restent dans les mémoires ne sont pas les équipes qui gagnent mais celles qui procurent des émotions. J’admire l’équipe de 2022. Ça m’a fait monter les larmes aux yeux parce que j’attendais cette CAN depuis 1986. Mais l’équipe qui m’a le plus ému émotionnellement, c’est celle de 2002 ».

Ghandour est nostalgique mais pense que la nouvelle génération a des qualités différentes de l’ancienne. Ils pourraient être décisifs pour cette Coupe du monde au Qatar. Bien que la star de l’équipe Sadio Mané soit absente pour cause de blessure, il pense que le Sénégal a encore une chance d’atteindre les demi-finales.

« L’équipe actuelle est beaucoup plus mature tactiquement et beaucoup plus expérimentée. Elle est encadrée par un entraîneur, Aliou Cissé, qui est resté en poste plusieurs années et qui a su insuffler aux joueuses l’esprit de la victoire et la niaque. Au niveau mental, les joueurs ne baissent pas les bras et on l’a vu récemment avec des victoires obtenues dans les dernières minutes », analyse le pharmacien-conseil.

Des ressources qui pourraient être utiles si le Sénégal entend aller loin dans la compétition au Qatar.