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Le puzzle géant de la Maison de la Harpiste, un site archéologique fascinant à découvrir près d’Arles


Imaginez un immense puzzle de plusieurs milliers de pièces. Un puzzle composé de différents ensembles mixtes qu’il faudrait reconstituer sans avoir de modèle pour indiquer l’emplacement exact de chaque pièce. Casse-tête, dites-vous ? C’est pourtant le défi que les archéologues s’emploient à relever depuis plusieurs années dans le sud de la France.

Leur point de repère est au Château d’Avignon, dans la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue, où ils se sont installés dans des locaux adaptés. Superficie du site : 150 mètres carrés. De quoi laisser l’équipe s’étaler pour reconstituer le puzzle divisé en pas moins de 800 boîtes de fragments de toutes tailles.

Avec un total de 800 caisses remplies de fragments de toutes tailles, le puzzle a de quoi impressionner. © Rémi Benali – Inrap – MDAA

Le jeu en vaut la chandelle. Car l’ensemble ne se distingue pas seulement par son volume exceptionnel. Elle constitue un précieux témoignage historique dont la découverte remonte à 2013. Ce n’est pas au château qu’elle a eu lieu mais sur un site situé à une trentaine de kilomètres, sur la rive droite du Rhône, à Arles.

Une maison romaine du Ier siècle av.

Quelques décennies plus tôt, le lieu avait déjà révélé plusieurs maisons romaines ou loger décoré de mosaïques. En reprenant les fouilles, les archéologues du Musée départemental de l’Arles antique et de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont cependant atteint des niveaux encore jamais explorés qui ont livré une surprise au-delà des espérances.

Il est apparu les restes d’un autre loger aux murs préservés et richement décorés sur une hauteur d’un mètre et une longueur pouvant atteindre 4,60 mètres. À ses murs, des fragments des parties supérieures effondrées ont été ajoutés, qui ont également laissé entendre la présence de fresques colorées.

Les analyses ont montré que la maison avait été construite au 1er siècle avant JC, plus précisément entre – 70 et – 50. Une datation inattendue puisqu’elle précède la création de la colonie romaine deArelate (Arles) et correspond à une période où l’artisanat et les techniques de construction romaines n’étaient pas encore largement diffusés.

Les premières observations des peintures ont permis de déterminer que la demeure correspond à ce que les spécialistes appellent le second style pompéien, en référence aux styles établis à Pompéi. En Italie, une vingtaine d’exemples similaires ont été retrouvés. Mais ces décors sont beaucoup moins connus en Gaule, surtout pour une période aussi ancienne.

⋙ Dix des plus belles découvertes archéologiques réalisées par l’Inrap depuis vingt ans

Alors, comment cette luxueuse demeure romaine en est-elle arrivée là ? Selon les archéologues, son riche propriétaire a certainement fait appel à des artisans venus d’Italie qui ont érigé la structure selon leurs techniques. Une particularité qui rend tous les vestiges découverts d’autant plus exceptionnels.

«C’est le plus grand ensemble jamais trouvé. Nous avons la chance d’avoir des ensembles de ce type dans plusieurs pièces (de la maison)», souligne Julien Boislève, toichographologue – spécialiste des peintures – de l’Inrap qui participe, depuis près de dix ans maintenant, à l’étude de la résidence réalisée en partenariat avec le Musée départemental d’Arles antique (MDAA).

«Cela offre la possibilité de reconstituer un programme décoratif à l’échelle de toute la maison alors que de nombreux autres chantiers n’ont livré que des éléments d’une pièce ou des éléments très très fragmentaires.», poursuit-il. C’est ici que le fameux puzzle et son remontage minutieux prennent toute leur importance.

Le décor d’une première chambre recomposée

«On a fouillé sur une petite surface (105 m2, ndlr) mais on a un potentiel de remontage qui est extraordinaire», confirme Marie-Pierre Rothé, archéologue du MDAA et responsable des fouilles. Il ne restait plus qu’à trouver un espace en surface suffisant pour mener à bien l’opération. C’est ainsi que l’équipe et ses centaines de caisses atterrirent au château. Avignon.

En 2021, les spécialistes ont achevé la reconstitution des décors de la première pièce, probable chambre ou salle à manger. Deux espaces y apparaissaient : d’un côté, une antichambre à dominante jaune avec des imitations de marbre et de lourdes colonnes surmontées de blocs colorés.

Le puzzle géant de la Maison de la Harpiste, un site archéologique fascinant à découvrir près d'Arles
La fouille et l’étude des peintures romaines sont menées en partenariat par l’Inrap et le Musée départemental Arles antique. Ci-dessus : Julien Boislève, toichographologue (spécialiste de la peinture) de l’Inrap et Marie-Pierre Rothé, archéologue du MDAA et responsable de la fouille. © Rémi Benali – Inrap – MDAA

De l’autre, une alcôve à l’ornementation plus élaborée et aux couleurs plus chatoyantes ainsi qu’une frise d’amours chassant. Si certains motifs ont pu être devinés lors de la fouille, le remontage des pièces réserve aussi son lot de surprises. C’est notamment le cas du décor du sol qui «est en cours d’achèvement», précise Julien Boislève.

A l’exception de sites comme Pompéi ou Herculanum, les sols des demeures sont moins connus car rarement conservés. Mais les exemples étudiés jusqu’ici ont montré que les parties hautes, correspondant généralement aux parties privées, présentent des décorations moins luxueuses que les parties basses accueillant du public.

Ce n’est pas le cas de tout Arles. «Ici, on a un décor remarquable au premier étage comme au rez-de-chaussée qui montre que le soin a vraiment été apporté à toutes les pièces de cette maison. On ne s’attendait pas à ça», confirme le toichographologue. La prochaine étape consistera à étudier la deuxième pièce qui a aussi de quoi surprendre les archéologues.

C’est dans cet espace, peut-être une salle de réception, qu’apparaît le décor le plus prestigieux. «C’est un exemple unique de ce qu’on appelle une mégalographie, une grande figuration», décrypte le spécialiste. A ce jour, «il y en a dix à quinze exemples, mais seulement en Italie. C’est vraiment le premier cas en France ».

Une harpiste dans une procession de Bacchus ?

Le décor comprend une galerie d’une dizaine de personnages séparés par des colonnes et positionnés sur des socles. Parmi eux, un musicien jouant de la harpe – qui a d’ailleurs valu à la demeure son surnom de « Maison de la Harpiste » – et un personnage arborant des cornes sur la tête et un torse et des jambes poilus qui pourraient représenter le dieu Pan.

Le puzzle géant de la Maison de la Harpiste, un site archéologique fascinant à découvrir près d'Arles
Une des toiles richement colorées reconstituée et recouverte d’un film transparent pour la protéger. © Rémi Benali – Inrap – MDAA

L’ensemble constitue probablement un «procession de Bacchus qui est l’un des thèmes les plus fréquemment représentés dans ce genre de décor« , indique Julien Boislève. Le tout est encadré par un fond rouge vermillon qui a aussi son importance. Comme le souligne Marie-Pierre Rothé, ce pigment issu du cinabre »était le plus cher du monde romain« mais il l’est aussi »très fragile« .

Heureusement, les archéologues ne travaillent pas seuls sur ce délicat puzzle géant. Ils sont pris en charge par des restaurateurs qui ont aidé à retirer les fragments, à les nettoyer et à les consolider avant étude. Ce sont également eux qui sont chargés de reconstituer les peintures une fois les pièces assemblées.

L’objectif est de pouvoir les intégrer dans les collections du Musée départemental Arles antique et de les exposer au public d’ici 2026. »C’est tout ce processus de fouille, d’étude et de restauration qui est intéressant. On a le temps d’aller au fond des choses, de faire une étude approfondie», se réjouit l’archéologue de la MPAA.

Pour l’instant, les tables de travail sont encore couvertes de pièces éparses attendant de retrouver leurs voisines. Tant mieux pour les curieux qui se rendront le week-end prochain au Château d’Avignon. A l’occasion des Journées Européennes de l’Archéologie (JEA), le lieu ouvrira exceptionnellement ses portes au public pour découvrir le chantier de remontage.

⋙ Journées européennes de l’archéologie : remontez le temps le temps d’un week-end

Au programme : des visites guidées, des ateliers pour réaliser ses propres tableaux, découvrir le métier de céramologue ou s’initier aux méthodes de fouille, des concerts avec des harpistes, une bibliothèque mobile et une « archéo guinguette ». De quoi découvrir l’histoire passionnante de la « maison de la Harpiste » et son puzzle géant dans les meilleures conditions.

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