Le gaz de TotalEnergies accusé d’être utilisé pour les avions de guerre russes

Le gaz sibérien produit par une société détenue conjointement par TotalEnergies a permis de fabriquer du carburant destiné à alimenter des avions de guerre russes engagés dans le conflit en Ukraine, accuse le journal français Le Monde du mercredi 24 août, qui s’appuie sur plusieurs documents et une enquête . de l’ONG Global Witness.
Selon eux, le champ gazier russe Termokarstovoye, exploité par la société Terneftegaz (codétenue à 49 % par le groupe français avec le russe Novatek qui en détient 51 %), alimentait en condensats de gaz une raffinerie située près de la ville d’Omsk près de la frontière avec le Kazakhstan, qui le transforme en carburant. Qui a ensuite été expédié pour propulser les avions russes jusqu’en juillet au moins.
Total réfute catégoriquement
Ces conclusions s’appuient notamment sur la base de données financière Refinitiv, qui a permis à l’ONG de retracer la chaîne d’approvisionnement. Les images satellites confirment les faits. Les données utilisées montrent que les expéditions de Terneftegaz ont représenté plus de 8 % de la matière première reçue à Omsk en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine. L’ONG a alors identifié « des centaines de cargaisons de kérosène de la raffinerie d’Omsk aux bases de l’armée de l’air russe près de l’Ukraine ».
Quelque 40 000 tonnes de kérosène ont été expédiées d’Omsk vers des bases de chasseurs-bombardiers à Morozovsk et Voronej, près de la frontière ukrainienne, du 13 février à juillet, selon l’analyse des données de Refinitiv. Aucune des deux bases n’avait reçu de carburant de la raffinerie depuis 2017, ajoute Global Witness.
« Non, TotalEnergies ne produit pas de kérosène pour l’armée russe »a réagi dans la journée le groupe français. « TotalEnergies réfute catégoriquement toutes les allégations infondées faites dans cet article »ajoute-t-elle en se lamentant « erreurs, raccourcis et contrevérités ».
Le groupe menace de saisir la justice
La société explique au Monde que Novatek est l’opérateur des installations de la joint-venture et qu’elle n’a pas reçu de dividende depuis février 2022.
« TotalEnergies ne participe pas aux décisions de recyclage des condensats de Novatek »ajoute le groupe. « Société Privée Indépendante »Novatek est détenue à 19,4% par TotalEnergies, qui dit ne pas avoir « ni information sur les ventes réalisées indépendamment par Novatek sur le marché russe, ni contrôle sur ses ventes ».
Interrogé sur sa capacité à contrôler une joint-venture qu’il détient à 49%, le groupe admet que « les seuils de majorité dépendent de la nature des décisions ». Mais les activités de l’entreprise commune « ne rapportent pas au conseil d’administration, mais à la direction générale », explique l’ex-Total. Dans son communiqué publié mercredi 24 août, il menace de saisir la justice : « TotalEnergies répondra point par point à cet article et se réserve le droit d’engager toute action judiciaire appropriée pour assurer la protection de ses intérêts et de sa réputation ».
Pour Louis Goddard, responsable des enquêtes de données chez Global Witness, TotalEnergies « prétend que sa production n’a rien à voir avec les opérations militaires russes, mais cet argument ne tient plus. Total doit être fair-play ».
« Crimes de guerre avec participation indirecte de Total »
Après l’invasion russe de l’Ukraine, TotalEnergies a notamment annoncé qu’elle n’investirait plus dans de nouveaux projets en Russie, mais y maintient toujours des activités, essentiellement concentrées autour du gaz liquéfié des champs de la péninsule de Yamal, en Sibérie.
La décision de Bruxelles d’attendre 2027 pour appliquer un embargo sur le gaz russe permet également à TotalEnergies de justifier sa présence sur place, tout en rejetant implicitement la responsabilité sur les dirigeants politiques.
Ce que n’a pas non plus manqué de faire Manon Aubry, députée insoumise au Parlement européen, interrogée par France Info jeudi 25 août. Elle estime que « Le gouvernement doit aussi avoir une voix » sur le sujet. « Le gouvernement est si prompt à supplier Total de baisser le prix de l’essence en France, mais ferme complètement les yeux sur les crimes de guerre qui sont perpétrés en Ukraine avec la participation indirecte de Total »dit-elle aussi.
L’élu invite le gouvernement français à jouer » un rôle « dans la décision de Total (à savoir de maintenir ses activités en Russie autour du gaz liquéfié) et elle considère que les quelques emplois perdus dans l’entreprise en cas de retrait de Russie « pourrait être indemnisé par l’Etat français ».
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