21 septembre 2021. La Ciivise, la Commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, coprésidée par le juge Édouard Durand, lance une plateforme téléphonique pour recueillir la parole des victimes. Et au standard, les appels sont nombreux. « La commission devra transférer aux autorités compétentes, et notamment à l’autorité judiciaire, les situations qui justifient un signalement. Bien sûr, c’est son devoir en tant qu’organisme public.», prévient le juge.
La majorité des victimes d’inceste sont des femmes. La plupart ont été maltraités par un membre de la famille. La commission inceste a été lancée en janvier 2021, après la publication du livre bouleversant de Camille Kouchner, La grande famille, édité par le Seuil. L’objectif principal est de s’inspirer du vécu des victimes pour définir des outils de protection des enfants. Quelques mois après le lancement de la plateforme, les témoignages continuent d’affluer. Un mouvement de grande ampleur, estime Édouard Durand.
« Dans les heures qui ont suivi le lancement de l’appel à témoignages, les lignes étaient saturées. »
Édouard Durandsur franceinfo
« Des centaines et des centaines de personnes ont contacté la Société Civile pour apporter leur témoignage. Et en six mois, nous avons reçu plus de 12 000 témoignages par téléphone, par écrit, par mail, dans nos réunions publiques, lors d’auditions au civilisé à travers notre questionnaire en ligne sur notre site Web »
Tout au long de cette année, d’un voyage à l’autre, d’une audience à l’autre, certains témoignages l’ont particulièrement marqué. « Très souvent, ces gens disaient : ‘J’ai attendu ce moment toute ma vie.’ cachée et qui s’est révélée au grand jour aux yeux de l’ensemble de la société. Ce qui me frappe dans tous les témoignages que j’ai reçus, c’est ce que j’appelle le présent perpétuel de la souffrance. Avoir été victime de violences dans l’enfance, d’inceste, avoir été victimes de toute violence, quelle qu’en soit la forme, ce n’est pas un mauvais souvenir, c’est toujours présent, c’est encore de l’eau aujourd’hui, de l’eau aujourd’hui dans le corps, de l’eau aujourd’hui dans l’âme, de l’eau aujourd’hui dans la pensée d’aujourd’hui, dans la vie intime voire dans la vie sexuelle et émotionnelle, dit Edouard Durand.
Il avoue que cette expérience l’a changé. « En ce sens qu’elle a renforcé ma détermination à lutter contre l’impunité des auteurs et à contester nos échecs dans notre capacité, voire notre volonté collective, à protéger les enfants. Elle m’a changée en ce qu’elle a renforcé ma détermination à consolider nos règles pour faire des professionnels, ils sont, plus déterminés et mieux équipés pour lutter contre l’impunité des agresseurs et renforcer la protection des enfants. » explique Edouard Durand.
Cette violence, il ne s’en protège pas même s’il se dit » bien sûr affecté par la violence et parfois la laideur du visage humain qui est celui de l’agresseur lorsqu’il passe à l’acte pour obtenir du pouvoir sur l’autre. Et donc, ce qui me permet de tenir, ce n’est pas de me protéger , c’est accepter la colère en même temps, qui est un moteur très puissant pour renforcer notre capacité à protéger. Ce n’est pas en se protégeant qu’on continue. C’est en agissant et je continue. Même pendant les vacances, penser à l’action , civiliser, préparer la rentrée. Et tout cela se mêle aux joies de la vie de famille, à la lecture et au repos. conclut Édouard Durand.
En mars dernier, la commission de l’inceste a rendu ses premières conclusions à mi-parcours. Elle plaide pour que les médecins aient une obligation claire de déclarer leurs soupçons et que toutes les victimes aient accès à des soins spécialisés.
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