Le cardinal et l’odeur du mouton

La soirée se déroule dans le cadre splendide de la villa Bonaparte, siège de l’Ambassade de France près le Saint-Siège. Invité du jour, le cardinal Luis Antonio Tagle, pro-préfet du dicastère pour l’évangélisation et responsable, à ce titre, de l’Église catholique dans tout le grand sud du monde. A l’occasion d’une table ronde organisée par Anak-Tnk, une association qui vient en aide aux enfants de Manille depuis vingt-cinq ans, le prélat évoque son expérience dans la capitale philippine avant son arrivée à la Curie romaine début 2020, un quelques jours avant l’explosion de l’épidémie de Covid-19.
« L’expérience à la Curie romaine est… spéciale », il sourit en commentant ses responsabilités. » C’est un monde unique. » Habituellement assez pudique sur sa propre expérience, le cardinal, vu par certains comme un potentiel papabileest interrogé sur sa vie de prêtre et son expérience de pasteur. « Parlez-vous de la difficulté à sentir les moutons ? Oui, j’y ai pensé. » répond-il en utilisant une des expressions préférées du pape François pour illustrer la proximité nécessaire entre un prêtre et les fidèles. « Ce n’est pas parce qu’on vit au milieu des siens qu’on sent l’odeur des moutons. La proximité physique n’est pas une garantie. »
« J’essayeil continue. Je suis prêtre, évêque, cardinal, mais devant il y a Jésus-Christ, et les gens m’appellent « éminence », mais en vérité je suis un mouton. » Derrière cette confiance inattendue se cache le questionnement fréquent de bon nombre de responsables de Curie sur leur vocation de prêtres et leur relation avec les fidèles, alors que leur rôle se réduit à un travail de bureau. Certains choisissent de célébrer la messe le dimanche dans une paroisse romaine, d’autres d’être aumôniers d’associations caritatives. Un service indispensable, disent-ils, pour garder l’équilibre et ne pas être totalement absorbé par la machine qu’est la Curie.
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