L’Azerbaïdjan lance l’assaut sur le Haut-Karabagh

Trois ans après la « guerre des 44 jours » entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le conflit à peine éteint dans la province séparatiste du Haut-Karabakh entre dans une nouvelle phase qui menace de sonner le glas de la présence arménienne dans ce territoire enclavé. . Dans la matinée du mardi 19 septembre, l’artillerie et l’aviation azerbaïdjanaises ont lancé une campagne de bombardements à grande échelle contre plusieurs villes, dont Stepanakert, capitale autoproclamée de cette enclave arménienne, et Martakert. Dans le même temps, les troupes terrestres attaquent les positions tenues par les forces séparatistes. L’offensive azerbaïdjanaise a surpris les quelque 100 000 habitants de la région contestée alors qu’ils vaquaient à leurs occupations.
«Ça a commencé un peu ce matin, puis vraiment à partir de 13 heures. Les enfants étaient à l’école, les parents étaient au travail, il y avait beaucoup de panique. Ils tirent de tous les côtés, avec des drones, de l’artillerie, des mortiers, tout ce qu’ils ont. », témoigne par téléphone Vadim, propriétaire d’un café à Stepanakert. En fond sonore, on entend le bruit des explosions dans la ville attaquée. « En ce moment même, les bombardements continuent dans les villages alentours »ajoute Viktoria Sarkisyan, 23 ans, présentatrice radio réfugiée dans une cave. « Des enfants ont été blessés dans les villages proches de la ligne de front »continue-t-elle.
Les habitants du Haut-Karabakh craignent une invasion générale des forces azerbaïdjanaises, première étape avant un probable nettoyage ethnique, avec son lot d’exactions et son cortège de réfugiés fuyant vers l’Arménie voisine. « Nous allons alerter nos partenaires et nous verrons leurs réactionsexplique Hovhannès Guévorkian, représentant du Haut-Karabakh en France. Mais le Karabakh est rongé petit à petit depuis un moment, et cette nouvelle invasion sera la dernière étape. Les objectifs de l’ennemi sont clairs : éliminer tous les Arméniens présents sur ce territoire. »
La plupart des experts craignent que les forces arméniennes et séparatistes ne s’effondrent d’ici quelques jours. L’assaut intervient trois ans après la guerre dite des « 44 jours » qui a entraîné une déroute militaire arménienne et la perte d’une partie du Haut-Karakakh. Mécontent du statu quo, Bakou a entamé le blocus du territoire séparatiste à partir de décembre 2022, avant de déployer ses troupes début septembre 2023.
« L’Arménie est au plus bas, militairement et politiquementobserve le politologue Artyom Tonoyan. Son armée est affaiblie au point qu’elle ne pourra plus résister à une autre guerre. » Ce conflit survient au pire moment pour le Premier ministre Nikol Pachinian dont la légitimité avait été fortement affaiblie par la défaite de 2020. Dès l’annonce de l’attaque, des centaines de manifestants se sont rassemblés devant le siège du gouvernement scandant « Nikol est un traître ». « Il y a déjà des appels de différents endroits pour réaliser un coup d’État en Arménie. », s’est inquiété le chef du gouvernement dans un discours à la nation. Il a appelé la Russie et l’ONU « prendre des dispositions » face à l’opération militaire actuelle.
Arbitres traditionnels du conflit entre les deux anciennes républiques soviétiques, les Russes semblent n’avoir ni la volonté – les relations entre le Premier ministre Pachinian et le président russe sont exécrables – ni les ressources pour arrêter l’offensive. Les 2 000 soldats russes déployés au Haut-Karabakh «sont dans une situation précairenote Artyom Tonoyan. Ils n’ont pas effectué de rotation de leurs troupes depuis décembre 2022. » En marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, la France a dénoncé une opération « illégal, injustifiable, inacceptable », tandis que les États-Unis ont annoncé vouloir parler avec toutes les parties.
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