La stratégie climat de TotalEnergies validée par les actionnaires, les manifestants écoeurés

Près de deux heures avant le début de l’AG, environ 200 militants ont dépassé les vigiles présents. Ils se sont installés, voire enchaînés devant les portes de la salle Pleyel à Paris pour empêcher l’accès aux actionnaires, et espéraient ainsi bloquer la tenue de l’assemblée annuelle. D’autres ont déployé une grande banderole « stop aux projets d’énergies fossiles », en Angola, en Tanzanie ou au Mozambique où le groupe est implanté.
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A l’ouverture de la séance, qui s’est donc tenue « à huis clos » et en ligne, le PDG Patrick Pouyanné a présenté ses excuses aux actionnaires qui n’ont pas pu accéder à la salle. Moins d’une cinquantaine d’entre eux, arrivés en avance, ont pu y assister. «La réunion peut se dérouler normalement», a-t-il néanmoins affirmé.
«Plus de 28 000 actionnaires sont présents, représentés ou ont voté par correspondance, ce qui représente un quorum de 68,87 % des actionnaires« , il a dit. L’AG s’est terminée vers 13h00 par le vote d’une résolution sur la stratégie climat du groupe, adoptée à près de 89%, en baisse toutefois par rapport à 2021.
«Les actionnaires soutiennent la stratégie mise en place à une très large majorité», s’est félicité M. Pouyanné. Pour l’ONG Reclaim Finance, ce résultat démontre le contraire »l’échec de l’engagement actionnarial qui se perd dans des dialogues interminables et stériles« . Elle appelle dans un communiqué »les investisseurs soucieux du climat doivent agir maintenant pour arrêter leurs investissements dans l’expansion du pétrole et du gaz« .
Les militants présents devant la salle Pleyel ont hué le résultat, une fois connu, avant de chanter «Total, Total, il faut choisir les énergies fossiles ou notre avenir», a observé un journaliste de l’AFP.Aujourd’hui on a perdu une bataille mais dans un an on peut gagner la guerre, les esprits changent», a toutefois déclaré à l’AFP le député européen Pierre Larrouturou, présent sur place.
Protestation interne et externe
Les manifestants, entourés d’une vingtaine de policiers, sont restés à l’extérieur de la salle pendant toute la durée de l’AG, puis ont pu quitter les lieux, par petits groupes et dans le calme, une fois la séance terminée.
Des militants jugent le groupe pétrolier et gazier »totalement irresponsable« parce qu’elle continue d’exploiter le pétrole et le gaz, malgré les appels des scientifiques à réduire drastiquement l’utilisation des énergies fossiles pour lutter contre le réchauffement climatique.
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Ils dénoncent également la présence du groupe en Russie. L’ex-Total, rebaptisé « TotalEnergies » l’an dernier, «finance la machine de guerre de Poutine», a raconté à l’AFP une journaliste Svetlana, militante de Stand with Ukraine.
«Total continue de fonctionner avec un modèle économique qui est celui du monde d’hier», estime Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, également présent sur place.
Dans la salle, au moins huit petits actionnaires espéraient influer sur l’orientation climatique du groupe, un mouvement observé dans plusieurs grandes entreprises en France, aux Etats-Unis et ailleurs. Parmi les actionnaires insoumis, Edmond de Rothschild ou La Financière de l’Echiquier, peu connus pour leur activisme actionnarial, ainsi que le néerlandais MN. Mais aussi Meeschaert Amilton, Mandarine management et Sycomore AM, ou Assurances du Crédit Mutuel.
Tous avaient annoncé qu’ils voteraient contre le plan climat soumis aux actionnaires. En cause : l’anticipation par TotalEnergies d’un «forte hausse de la production d’hydrocarbures sur 2019-2030» mais aussi le regret que «les excédents résultant des prix élevés actuels des hydrocarbures ne sont pas affectés en priorité à des investissements supplémentaires dans les énergies renouvelables», selon les Assurances du Crédit Mutuel. D’autant que le groupe a réalisé l’an dernier un bénéfice de 16 milliards de dollars.
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Nouvelle acquisition verte
TotalEnergies dit viser la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle, et s’engage, entre autres objectifs, à réduire de plus de 30% par rapport à 2015, les émissions dégagées par les produits pétroliers qu’elle commercialise. Elle investit dans les énergies renouvelables, ajoutant mercredi un grand producteur américain, Clearway, à son portefeuille.
Mais le groupe estime que la demande restera forte, ne croyant pas à une baisse de 30% d’ici 2030, comme l’envisage l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Là «la baisse de la demande de pétrole et de gaz ne sera pas linéaire», a déclaré M. Pouyanné devant la poignée d’actionnaires présents dans la salle.
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