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Nouvelles locales

« La radiodiffusion publique vise à sensibiliser »

Michel Larive, député La France insoumise de la 2e circonscription de l’Ariège de 2017 à 2022, faisait partie de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il revient pour l’Humanité sur son combat et ses ambitions pour ces médias publics.

La suppression de la redevance joue-t-elle vraiment un rôle en faveur du pouvoir d’achat, comme l’a annoncé le président de la République ?

C’est un argument complètement fallacieux car il n’y a pas 36 solutions de toute façon. Soit il annonce qu’il privatise, soit non. Et s’il ne privatise pas, il faudra financer l’audiovisuel public, ce qui veut dire qu’il faudra trouver des fonds. Si ce n’est pas sur ces frais, ce sera sur une autre taxe ou prélèvement. Ce qui me fait peur, c’est cette privatisation rampante. Sur cette question, avec la droite, le gouvernement trouvera sûrement une majorité. Les Gafam notamment seront très intéressés par la privatisation des chaînes publiques françaises.

Pourquoi est-ce la droite et l’extrême droite qui vont dans ce sens, de réduction du champ de l’audiovisuel public ?

Il y a 9 milliardaires qui possèdent 90% de la presse écrite. Vous avez un gros milliardaire qui possède une grosse chaîne d’information, sur laquelle il peut mettre toutes les idées écœurantes qu’il veut. A partir de ce moment, l’intérêt de la droite est d’avoir des moyens de communication. Quand Bouygues rachète TF1, ce n’est pas parce qu’il est amoureux de la télé, c’est parce que ce média puissant lui permet d’être proche du pouvoir. L’intérêt est de former les consciences et d’avoir un rapport de force avec le pouvoir. La chaîne publique, aux termes de sa constitution, est libre de toute opinion et a pour but de sensibiliser. La ligne, elle, n’a pas pour objet cet éveil, l’idée c’est plutôt de briser la réflexion. L’intérêt pour la droite, de privatiser ces chaînes, c’est de pouvoir ensuite diffuser un message, souvent très consumériste.

Comment imagineriez-vous remplacer le financement de cette taxe ?

Je suis sur la même position que les syndicats, pour une taxe universelle affectée à l’audiovisuel public, sur le modèle allemand. En termes de performances, ce serait au moins équivalent, et même bien supérieur à mon sens. Notamment s’il est mis sur tous les supports, qui ont la possibilité de diffuser des programmes audiovisuels publics. Et je vais encore plus loin, je taxerais aussi les Gafam car il y a une diffusion gratuite de ces programmes, entrecoupée de publicités. Le Gafam devrait donc être inclus dans l’assiette de cet impôt universel. Les syndicats parlent de tous les supports de diffusion, d’accord, mais c’est aussi sur les éditeurs qu’il faut agir. L’Espagne avait essayé de faire quelque chose avec Google, mais comme elle était seule, elle a tenu pendant deux semaines. La réponse de Google a été de supprimer la liste.

Mais si cela se fait au niveau européen ?

Je suis pour l’harmonisation fiscale et sociale en Europe. Au niveau européen, peut-être que le modèle allemand n’est pas parfait, mais on peut s’en inspirer et poser ce genre de principes. Car si on le fait au niveau européen, alors on a peut-être une chance de faire plier le Gafam.

Justement, l’une des solutions avancées pour remplacer la redevance TV est de faire entrer le financement de l’audiovisuel public dans le budget de l’Etat. Dans ce cas, l’indépendance pourrait être encore plus remise en question ?

Oui, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Cela ressemblerait à des modèles de pays qui ne sont pas démocratiques. C’est-à-dire qu’ils ont un budget audiovisuel public qui contribue au budget de l’Etat, donc ils donnent, mais surtout ils donnent des orientations. En France, on a fait 60 millions d’économies sur l’audiovisuel public ces cinq dernières années, c’est dramatique… Des centaines de salariés de ce secteur ont été licenciés. Beaucoup sont des permittents : les directions ont réussi à inventer un mot, ils sont intermittents… mais permanents ! S’il n’y a plus de redevance et qu’on passe à une ouverture de capitalisation des chaînes publiques, les gens vont pouvoir se soucier de leurs emplois, même les fameuses permistentes. Il y a beaucoup d’autres attaques qui se produiront contre la radiodiffusion publique, qui seront dramatiques.

Quelles sont ces attaques ?

La fusion en une grande entité a été remise à l’ordre du jour – avant, elle s’appelait France média. Ils ont arrêté parce qu’il y a eu des tollés, mais le Sénat revient par la fenêtre. C’est dramatique car la variable d’ajustement pour faire des économies sera toujours le personnel. Le problème, c’est que Delphine Ernotte accompagne le mouvement. Il fut un temps où nous avions des gens, à la tête des groupes, qui étaient relativement hors pouvoir et qui pouvaient contester. Là, ils ont misé sur une dame qui est économiste, qui agit donc sur la feuille de route, sans discuter le moindre terme.

Avez-vous pensé à des solutions pour remédier à cette situation ?

Par rapport à ce que l’on voit sur CNews et ce genre de chaînes, il manque un véritable conseil d’éthique, non seulement consultatif, mais aussi doté d’un pouvoir de sanction pécuniaire par exemple. Et puis, pour empêcher qu’une seule pensée soit diffusée, il faut une loi anti-concentration des médias. Il va y avoir une fusion TF1-M6, c’est un groupe qui va être énorme et qui va générer un produit financier capable d’entrer très vite dans l’audiovisuel de service public, si le capital est ouvert. Et ne me dites pas que ce n’est pas possible puisque TF1 l’a fait à 100%. TF1 a été la première chaîne publique, mais aussi la première à être livrée au secteur privé.

Quel est le rôle de la radiodiffusion publique aujourd’hui ?

Les médias participent à l’action culturelle. Cependant, cette action n’est pas une industrie : peindre, écrire, penser, écouter n’est pas industriel. Ce qui est, ce sont les supports : le livre, le disque, etc. Ce que nous demandons à l’audiovisuel public, parce que nous sommes une république sociale, c’est d’élever la conscience des gens, pas de l’abaisser pour leur vendre des McDonalds ! Mais c’est aussi pour être un contre-pouvoir, qu’il y a des programmes de fond, comme Cash investigation, par exemple. Avec un nouveau plan d’économies, les premières émissions à éviter seront précisément celles-ci. Mais la plupart sont produits par des entreprises privées, ce qui coûte plus cher que si la chaîne produisait elle-même. La marge de ces entreprises privées pourrait donc être utilisée pour faire autre chose, notamment des productions radio et télévisuelles internes.

Quels sont les atouts de l’audiovisuel public face à un secteur privé de plus en plus imposant ?

Les atouts de l’audiovisuel public se retrouvent notamment dans l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) : le lien entre les citoyens, la cohésion sociale et l’information. A une époque, c’était aussi apprendre le discernement, ouvrir une fenêtre sur le monde, une mission d’éducation populaire qui était grande, l’antidote à tout obscurantisme… Ce n’est plus vraiment le cas. Pour moi, la radiodiffusion publique a toujours cette mission, mais aujourd’hui nous avons beaucoup de « prêts-à-penser ». On nous donne des avis, plus des informations, parfois même sur l’audiovisuel public. Les médias doivent aider à la construction de l’opinion : ils informent, et le peuple se forge ensuite son opinion sur cette information.

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