La nouvelle déréglementation verra les États de l’UE choisir la loi sur l’asile

La présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne fait actuellement pression pour l’adoption, avant la fin de 2022, du règlement dit d’instrumentalisation.
Cette proposition législative date initialement de décembre 2021 et découle directement d’une précédente proposition de la Commission européenne visant à introduire une série de mesures d’urgence pour faire face à la situation migratoire aux frontières orientales de l’UE, entre la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Biélorussie.
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Comme détaillé dans une déclaration conjointe dirigée par le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (ECRE) et signée par 80 organisations de la société civile, dont EuroMed Droits, le règlement permettrait aux États membres de déroger à leurs responsabilités en vertu du droit d’asile de l’UE dans les situations où les flux migratoires sont « instrumentalisé » à des fins politiques.
En termes plus simples, lorsque les personnes en déplacement sont utilisées comme monnaie d’échange dans les jeux géopolitiques. Grâce à ce mécanisme, les États membres seraient en permanence en mesure de déroger à volonté à leurs obligations en vertu du droit d’asile de l’UE.
Le règlement introduit une série de mesures disproportionnées qui auront de graves conséquences négatives pour les personnes en déplacement. La première et principale préoccupation soulevée par l’éventuelle adoption du règlement est la possibilité d’introduire des dérogations au droit d’asile de l’UE.
Cela créerait de facto un système de picorage entre les États membres de l’UE qui réduirait les droits fondamentaux garantis par le droit de l’UE. Cela serait préjudiciable au droit des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés.
Le règlement risque également de réduire l’accès à l’asile et les conditions d’accueil. Cela réduirait le délai du processus de demande d’asile et confondrait les demandeurs quant à l’endroit où ils pourraient déposer une demande d’asile. Cela augmentera également le recours aux procédures accélérées aux frontières, avec pour conséquence probable une augmentation de la détention et une réduction des droits garantis aux réfugiés et aux migrants.
Enfin et surtout, en vertu du règlement, le concept dangereux d' »instrumentalisation » serait codifié dans le droit de l’UE, sans qu’une définition claire ait été établie, et avec le risque d’impliquer des acteurs non étatiques dans le processus d' »instrumentalisation ».
C’est d’autant plus absurde sachant que c’est la logique de conditionnalité imposée par l’UE et les États membres dans la négociation sur la migration avec les pays tiers qui a conduit à l’approche du chantage observée récemment en Biélorussie, au Maroc et en Turquie.
Que se passe-t-il ensuite ?
Les États membres (conseillers de la justice et des affaires intérieures en matière d’asile) doivent se réunir mercredi 9 novembre pour discuter de la proposition.
En attendant, EuroMed Droits, ses membres et partenaires ainsi que les 80 organisations de la société civile à l’origine de la pétition appelleront les États membres de l’UE à contrer le règlement et à proposer des amendements significatifs au texte de la présidence tchèque.
En effet, en créant des dérogations au droit d’asile de l’UE, le règlement sur l’instrumentalisation sape l’État de droit et crée un précédent dangereux qui pourrait être utilisé dans d’autres domaines du droit de l’UE, liés ou non à la migration.
Enfin, avant d’adopter des mesures ayant un impact substantiel sur l’accès à la protection et à l’asile des migrants et des réfugiés, il est primordial que les États membres mettent en œuvre une évaluation préalable des risques sur l’impact que toute décision aura sur les droits fondamentaux des personnes en déplacement.
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