La Grande Mosquée de Paris, monument parisien emblématique, fête son centenaire

Construite « en hommage » aux musulmans tombés pour la France pendant la Grande Guerre, mais aussi pour des « raisons géostratégiques »: la Grande Mosquée de Paris (GMP) célèbre mercredi, lors d’une cérémonie à laquelle Emmanuel Macron doit participer, le centenaire de la pose de sa première pierre.
Le président français devrait dévoiler à cette occasion une plaque marquant, entre autres, la « reconnaissance » de la République pour ses soldats musulmans, a-t-elle indiqué à l’AFP. Construite bien avant les grandes vagues d’immigration, la GMP est la première mosquée métropolitaine érigée à l’époque contemporaine.
C’est pour « les autorités de l’époque« , de « rendre un hommage très fort aux musulmans pour leur sacrifice durant la Première Guerre mondiale», a déclaré à l’AFP l’actuel recteur, Chems-Eddine Hafiz. Quelque 70.000 soldats de l’armée française, de confession musulmane, sont morts pendant la Première Guerre mondiale, selon une estimation du ministère de la Défense.
En 1920, un projet de loi dont le rapporteur est Edouard Herriot, alors député, et qui prévoit un Institut musulman comprenant une mosquée, une bibliothèque, une salle de conférence, est voté au Parlement. Fait marquant : il comprend une subvention de « 500 000 francs », 15 ans après la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905.
Cela a été rendu possible par « à un arrangement juridique« , via un enregistrement au tribunal religieux d’Alger, « alors département français, dans lequel la loi de 1905 ne s’appliquait pas», selon le recteur. Dans le même temps, une souscription est lancée dans tout l’empire colonial afin que les musulmans participent à sa construction.
« Impérialismes européens »
En mars 1922, l’orientation de la future salle de prière par rapport à La Mecque est décidée. Le 19 octobre de la même année, a lieu l’inauguration solennelle des travaux du futur édifice, en présence du maréchal Hubert Lyautey, stratège militaire et figure emblématique de la colonisation française au Maroc, sur un terrain appartenant aux Hôpitaux de Paris.
Quatre ans seront alors nécessaires à sa construction et la mosquée est officiellement inaugurée en 1926. Sa construction correspondait aussi à « motivations géostratégiques, en pleine lutte entre impérialismes européens», souligne Dorra Mameri-Chaambi, chercheuse à l’EHESS, qui a consacré une thèse au rôle de la Grande Mosquée dans l’islam en France.
« Avec les accords Sykes-Picot de 1916, les puissances impériales veulent dépecer l’Empire ottoman. La période était également propice à offrir des marques de sympathie aux sujets musulmans de l’Empire colonial français.« , et à « conforter la France dans son rôle de puissance musulmane en Europe« , elle dit.
Sadek Sellam, auteur de « La France et ses musulmans » (Fayard), insiste sur le fait que « plusieurs projets« des mosquées ou des institutions musulmanes à Paris avaient vu le jour, notamment dans certains milieux islamophiles »,à partir de 1846 puis en 1895« .
Avec son style hispano-mauresque, ses jardins et patios de style andalou, ses zelliges et moucharabiehs et son minaret de 33 m de haut, l’édifice religieux, flanqué dès l’origine d’un restaurant et d’un hammam, est devenu un édifice emblématique de la capitale.
Proche du Quartier Latin, entre les anciens immeubles parisiens et le Jardin des Plantes, il est inscrit à l’inventaire des « monuments historiques » depuis 1983. Sa construction est en béton armé avec des matériaux décoratifs (tuiles vertes, faïences, mosaïques, fer forgé ) du Maghreb. « C’est clairement une architecture maghrébine« qui a été retenue, observe Mathieu Lours, historien de l’architecture.
Cependant, « avec l’utilisation de techniques modernes – béton-« , mais aussi « l’importance majeure accordée au dôme« , « la recherche d’un grand volume à l’intérieur comme ce que voulaient les catholiques à la même époque (dans leurs églises), on se dit que c’est vraiment un édifice religieux des années 1920« , il dit.
Pendant quelques jours, le GMP présente une trentaine de panels mettant en lumière plusieurs personnalités : le premier directeur de l’institut, Kaddour Ben Ghabrit, le maréchal Lyautey, Edouard Herriot, ou encore l’islamophile Paul Bourdarie, directeur de La Revue indigène, soutien au projet depuis 1915.
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