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Politique

« La France non urbaine se repeuple, phénomène accentué par la pandémie, qui conjugue livraison et proximité », souligne Jean Viard

En ce jour d’ouverture du Salon de l’Agriculture de Paris, nous partons à la campagne, avec la volonté du gouvernement d’aider les petites entreprises à s’installer en milieu rural. Décryptage avec le sociologue Jean Viard.

Aider les petites entreprises à s’installer en milieu rural, c’est le plan du gouvernement, d’un coût de 12 millions d’euros, qui vient d’être dévoilé pour financer des projets. En ce jour d’ouverture de la 59e édition du Salon de l’Agriculture, le regard et l’analyse du sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS.

franceinfo : A quoi correspond exactement ce besoin de relocaliser les entreprises dans les petits villages, quand on a provoqué leur perte, en créant de grandes surfaces commerciales, dès les années 70 et 80 ?

Jean Viard : Le monde change ! Mais cela faisait quelques années qu’on avait commencé à travailler sur les petites villes, à rétablir le centre des petites villes, etc. Ce qui s’est passé ? Une chose très simple : la France est absorbée par les grandes villes depuis la guerre. Alors les gens sont allés dans les grandes villes. Et effectivement, nous étions dans cette culture de la ZUP, de la voiture et du supermarché. Et pour être caricaturales, les dames sont allées faire leurs courses en voiture. En effet, nous étions dans ce modèle. Et puis les choses changent.

Il y a deux choses qui changent. D’une part, la plupart des femmes sont employées alors qu’après la guerre, elles n’étaient plus que la moitié, elles n’ont donc plus le temps de faire les courses de la même façon. Et d’autre part, les Français se répandent sur le territoire. La France, « non urbaine », se repeuple. Il y a la grande zone périurbaine, autour des très grandes villes. Et puis il y a des villes moyennes, des villages qui se repeuplent. Du coup, l’exode rural est terminé. Mais il n’y a pas d’exode urbain. Les choses ne doivent pas non plus être inversées. Mais il y a ce phénomène, et en plus, il a été accentué par la pandémie. En conséquence, il y a de nouveaux problèmes avec les courses, les magasins, etc.

Et puis, et puis il y a une nouvelle volonté de créer du lien social, de dire qu’une petite ville, si on fait un bar qui fait aussi poste, épicerie, marchand de pain, et qui a quatre tables à petits repas, ça crée une complicité, les gens se parlent, etc. Et puis, il y a ce projet qu’on a vu très clairement lors de l’opération 1000 cafés.

L’idée est de recréer des boutiques, des cafés, dans les différents villages de France

Oui, mais ils ne le sont pas les cafés de nos grands-parents, avec des hommes seuls qui viennent boire un café le matin et une absinthe le soir. Ce sont des lieux poly-actifs, avec Internet haut débit, il y a la Poste, on peut se restaurer, c’est un point de vie dans un territoire. C’est extrêmement intéressant, et ça se développe dans beaucoup d’endroits. Et le fait que le gouvernement la soutienne me paraît essentiel.

Parce que le commerce rural lui-même s’est modernisé, a-t-il évolué aujourd’hui ?

Nous sommes dans une société où il y a une vie de proximité, et de livraison. Vous devez avoir les deux moteurs dans votre tête. La livraison concerne les 21 millions de familles connectées à Amazon. Mais ça peut être du télétravail, ça peut être de la consommation culturelle sur ordinateur, ça peut être des voyages. Nous sommes mobiles, y compris les 25% de Français qui travaillent à distance.

Mais en même temps, on a envie d’avoir une vie de quartier : connaître les gens qu’on voit après l’école, au marché, à la salle de sport, et au fond, on est en train de réorganiser la société sur ces deux pieds, j’obtiens livré, et je me promène dans mon quartier pour rencontrer des gens, faire des courses, etc. C’est donc ce que nous recréons. En gros, c’est un nouveau modèle qui allie livraison et proximité.

Et diriez-vous que la crise sanitaire a fait une place à ces commerces de proximité ou est-ce exagéré ?

Ce qui a beaucoup changé pendant la crise sanitaire, c’est que le mot qui ressort de toutes les études d’opinion est le mot « proche ». Ce est-à-dire? Nous étions fermés sur le « proche », familial et amical, car nous ne pouvions plus aller voir les autres, puis sur le « proche » géographique, puisque nous ne pouvions pas sortir, et après nous ne pouvions pas sortir de chez nous, nous ne partait pas en vacances, etc.

Et on s’est rendu compte que sortir avec ses proches et ses proches était extrêmement agréable, et qu’on n’avait pas besoin de courir, d’aller forcément au cinéma à 50 kilomètres, d’aller voir des réunions d’amis plus ou moins amicaux, etc. On s’est rendu compte qu’au fond, s’appuyer sur l’affection, et s’appuyer sur la proximité, être connecté au voyage, à la livraison, etc., était une situation très agréable.

C’est ce que la pandémie a fait. Elle a revalidé cette question, elle a revalidé le lien familial entre les générations, et je pense que c’est ce qui se passe. Donc il faut faire des politiques, comme des maisons de services publics, comme des centres, des tiers lieux, etc., il faut repenser toute cette hybridité des lieux de rencontre.

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