« La dernière leçon », de Noëlle Châtelet (2004)

C’est l’histoire d’une double peine. Deux fois au cours de sa vie, l’essayiste Noëlle Châtelet s’est retrouvée confrontée à l’euthanasie, puis au suicide. La première fois, revendiquée par le philosophe François Châtelet, qu’elle venait d’épouser, condamné par la médecine, pour abréger ses souffrances insupportables. Puis, avec sa mère, Mireille Jospin, 92 ans, alors en bonne santé, simplement altérée par une sensation d’usure et la diminution de ses forces. Sans pathétique, elle avait annoncé sa décision irrévocable à ses enfants, ne leur laissant que trois mois pour s’y résigner. Jusqu’alors, cette question n’était considérée que comme une option philosophique. Cette fois, tout le monde s’est retrouvé au pied du mur, face à une femme inflexible qui s’était fixé le délai pour éviter la forfaiture.

Mireille Jospin revendiquait sa radicalité au nom de « droit de mourir dignement », association dont elle était militante. Qu’est-ce que l’indignité ?, élève sa fille, accablée par le chagrin et le sentiment d’abandon. Sa mère, une ancienne sage-femme, qui a aidé à accoucher, lui a demandé de l’accompagner jusqu’à sa mort programmée.

Lors de sa parution en 2004, La dernière leçon marqué les esprits, par son écriture sensible et tremblante. Chronique douloureuse de l’effroi, glissant vers un apaisement imposé par l’attitude de cette femme résolue à y mettre un terme. Mise en scène de sa disparition progressive, beauté de ses gestes pour apprivoiser le grand départ sans témoins, dernière visite, légère et tendre. Et cérémonie d’adieu émouvante, d’une infinie douceur.