La crise immobilière est fabriquée par l’État

Publié le 21 novembre 2023
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La crise immobilière qui frappe la France ne tombe pas du ciel et l’État en est en grande partie responsable. Son interventionnisme total a fini par surmonter la diminution de la construction de nouveaux logements et la réduction du parc de logements accessibles aux plus défavorisés. Certes, la hausse des taux d’intérêt a sa part de responsabilité dans l’effondrement du marché immobilier, mais la main très lourde de l’Etat a aussi sa part, et certainement pas la moindre.
Après des hausses très significatives ces dernières années, les prix de l’immobilier ont finalement baissé au cours de l’année écoulée dans la plupart des grandes villes françaises, dont Paris.
A priori, c’est une bonne nouvelle pour ceux qui souhaitent acheter, notamment ceux qui achètent pour la première fois, mais un peu moins pour ceux qui souhaitent vendre. Ces derniers tentent de résister autant qu’ils peuvent à la chute et contribuent à bloquer le marché. C’est ainsi que le nombre de transactions chute. Selon Meilleurs Agents, le million de transactions devrait être atteint d’ici fin 2023. Du côté des locataires, la situation n’est pas meilleure. En effet, de plus en plus de ménages ne trouvent plus un logement répondant à leurs besoins, que ce soit en termes de superficie ou de localisation, notamment dans les zones métropolitaines.
Comme c’est souvent le cas, les origines d’une crise sont multiples. Passons en revue ces différents facteurs qui ont freiné le marché immobilier :
- augmentation des taux d’intérêt,
- les taxes foncières,
- les mesures de précaution liées au renouvellement énergétique,
- l’avalanche de normes de construction,
- gestion urbaine par les communes,
- contrôle de loyers.
Hausse des taux d’intérêt
Pour lutter contre l’inflation, les banques centrales ont sorti l’arme des taux d’intérêt, ce qui a naturellement eu un impact sur les taux des prêts immobiliers.
Ainsi, selon l’Observatoire du crédit à l’habitat, les taux moyens des prêts immobiliers ont triplé en un an du premier trimestre 2022 à 2023, voire plus. Même si en 2021 il était possible d’emprunter à un peu plus de 1 %, il faut désormais compter sur 4 %. Cette hausse considérable du coût du crédit pour les emprunteurs rend naturellement l’achat d’un bien immobilier plus onéreux, notamment pour les jeunes ménages.
A cette hausse du coût du crédit il faut aussi ajouter le renforcement des garanties demandées par les banques aux emprunteurs. Tout cela a pour effet de réduire la demande des primo-accédants et de déplacer la demande de logements vers le marché locatif. Mais les investisseurs privés n’ont pas encore réagi. Mais pour eux, l’équation est plus ou moins la même : la hausse des taux d’intérêt réduit la rentabilité de leurs investissements. À cela s’ajoute le poids de la fiscalité immobilière.
Fiscalité immobilière
Le secteur immobilier est devenu une véritable source de revenus pour l’Etat et les collectivités locales. Les impôts sur les propriétaires fonciers sont considérables. Il y a bien sûr l’impôt sur les revenus fonciers, mais aussi les impôts fonciers, qui ont sensiblement augmenté, et pour les plus chanceux, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Tout cela signifie qu’aujourd’hui, de nombreux petits exploitants qui avaient investi pour compléter leur retraite ont du mal à tirer un revenu fiscal net satisfaisant de leur investissement. Beaucoup le regrettent et ne sont pas disposés à remettre un morceau de pierre dans le marbre. Certes, le dispositif de défiscalisation Pinel a été élargi, mais il reste encore insuffisant pour compenser les limites liées à ce type d’investissement (manque de liquidité, blocage de fonds à très long terme, gestion d’actifs, etc.). Avec cette fiscalité et les limitations liées au statut de propriétaire, les propriétaires voient de moins en moins d’intérêt pour la location, et beaucoup réfléchissent à quitter le marché ou à louer dans le cadre d’un meublé de tourisme, façon Airbnb. Ce faisant, l’offre locative a tendance à diminuer.
Rénovation énergétique et nouvelles normes de construction.
Le déclin de la construction de nouveaux logements s’explique aussi par le fait que les promoteurs sont pris entre, d’une part, l’augmentation des coûts de construction, provoquée par les prix des matériaux et des normes environnementales de plus en plus exigeantes. nécessite la transition énergétique.
A cela s’ajoute la recherche de « filtres thermiques » qui s’inscrit dans le cadre du diagnostic de performance énergétique (DAP). Imposé par Bruxelles en 2006, le DPE classe les logements selon leur consommation énergétique de la lettre A à G. L’objectif est d’atteindre un parc de logements de catégorie A ou B d’ici 2050 pour être conforme à la réglementation européenne.
Immédiatement et à partir du 1Hum A partir de janvier 2023, la location de logements ayant une consommation énergétique supérieure à 450 kWh par m² est interdite. Nous ne pouvons pas faire mieux pour réduire l’offre de logements locatifs. et du 1Hum D’ici janvier 2028, tous les nouveaux bâtiments devront avoir des émissions « proches de zéro », en vertu d’une nouvelle directive sur l’efficacité énergétique des bâtiments. Les petits propriétaires doivent donc s’adapter aux obstacles croissants à la location de leurs biens et certains préfèrent jeter l’éponge.
Gestion urbaine par les communes
De l’avis de nombreux promoteurs immobiliers, la gestion urbaine par les communes constitue un frein au développement de leurs activités.
Ce constat est partagé par le Sénat, qui souligne :
« Le droit de l’urbanisme est la loi du paradoxe. Théoriquement fondée sur le principe de l’économie territoriale, elle ne permet cependant pas de gérer avec souplesse les conflits d’usage qui naissent en permanence de l’appropriation des terres. Entre « geler » les espaces naturels et autres, destinés à garantir une protection absolue, et les laisser aux mains des plus indifférents, notamment à proximité des villes, il ne parvient pas à définir ni à maintenir un juste équilibre.
Contrôle des loyers et difficultés locatives
Avec le développement des métropoles, la notion de zones tendues apparaît.
Il s’agit de communes où le nombre de logements proposés à la location est bien inférieur au nombre de personnes souhaitant en devenir locataires pour en faire leur résidence principale.
Dans ces communes, l’encadrement des loyers impose une limite au loyer fixé par le propriétaire lors de la location d’un logement, loué avec un bail d’habitation (y compris bail mobilité). C’est ainsi que de nombreuses grandes villes voient leurs loyers régulés. Si ce cadre est naturellement favorable aux locataires ayant trouvé un logement (pas aux autres), il ne plaît pas aux propriétaires qui voient la rentabilité de leur investissement diminuer à long terme. En fait, avec l’inflation et le coût du travail, maintenir les loyers en dessous du taux du marché est le meilleur moyen de détruire l’immobilier à long terme. Toutes les études sur les expériences de gel des loyers dans tous les pays qui l’ont pratiqué sont unanimes à cet égard(1).
Mais le contrôle des loyers n’est pas la seule restriction aux droits de propriété des propriétaires.
Il ne faut pas oublier non plus les difficultés juridiques que rencontrent les propriétaires face à des locataires peu scrupuleux. Cette insécurité juridique les pousse souvent à sortir leur logement du pool locatif traditionnel et à le mettre sur des plateformes de location saisonnière comme Airbnb.
En conclusion
La crise immobilière que nous vivons n’est pas surprenante. Certes, la hausse des taux d’intérêt a contribué à son aggravation, mais bien d’autres facteurs ont favorisé cette crise qui provient essentiellement, comme nous l’avons montré, de l’interventionnisme croissant de l’État dans ce secteur. De ce point de vue, l’État n’est pas la solution, mais le problème.
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(1) Voir M. Albouy, Financement immobilier et gestion d’actifs2mon éd. Économiquea, Paris, 2020.
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