La crise des missiles, 60 ans après

Les gens de ma génération ont tous entendu leurs parents parler de la peur qu’inspirait la crise des missiles soviétiques à Cuba en octobre 1962. C’était certainement le cas dans ma famille. Aujourd’hui, le risque atomique nous vient des lointaines plaines d’Ukraine. Et si, en fait, nous ne regardions pas du bon côté de la planète ?
Plutôt que d’être hypnotisé par ce qui se passe à l’Est, nous devrions regarder vers l’Ouest. Depuis fin septembre, la Corée du Nord a tiré un nombre record de missiles dans toutes les directions.
Ce sont des tests à chaque fois, mais qui ne génèrent pas moins de panique alors qu’ils traversent le ciel du nord du Japon ou s’enfoncent dans la mer, tout près des eaux territoriales de la Corée du Sud.
Nul doute que Pyongyang s’est engagé dans une surenchère de menaces qui, dans l’état actuel des relations entre les grandes puissances, fait craindre le pire. Jusqu’à il y a quelques années, un meilleur dialogue entre Washington et Pékin d’une part, et Washington et Moscou d’autre part, garantissait que les crises de colère de Kim Jong-un étaient confinées à la péninsule coréenne.
EXPLOSION NUCLEAIRE EN TROIS, DEUX, UN…
Il semble désormais inévitable que la multiplication de ces essais de missiles soit suivie d’un septième essai de bombe nucléaire. Et selon les experts, le simple fait que le président russe Vladimir Poutine ait pu agiter le spectre nucléaire dans le conflit qu’il a déclenché en Ukraine sanctionne les élans belliqueux du jeune dirigeant nord-coréen.
Diplomates, généraux et stratèges militaires jonglent avec les réponses à ce mélange de chantage et de danger réel. Certains soutiennent qu’il est temps d’envisager de reconnaître la Corée du Nord comme une puissance nucléaire.
Le jeune dictateur pouvait certainement se vanter d’avoir réalisé les aspirations de son père et de son grand-père, Kim Il-sung, le fondateur de la Corée communiste. En même temps, croit-on, il lui sera plus facile de lui imposer des inspections et des traités qui encadreront son programme nucléaire.
A l’autre extrême, au Pentagone, on ne s’enlise pas dans les points et les virgules : une attaque à l’arme atomique entraînerait « la fin du régime de Kim Jong-un ». La Corée du Nord s’est fermée au reste du monde et on ne peut qu’espérer que ce genre d’avertissement soit entendu.
GARDER LA TÊTE FROIDE
Reclus et paranoïaque, le pouvoir de Pyongyang fait peut-être un tel tapage ces temps-ci pour rappeler son existence, alors qu’on n’en a qu’en Europe de l’Est. Il faut dire que le pays croule, depuis 2017, sous des sanctions qui étouffent son économie ; tous les moyens sont probablement bons pour tenter de s’en arracher.
Je me suis souvenu plus tôt des commentaires de mes parents sur la crise des missiles de Cuba. Avec le recul, je vois autant la peur d’une certaine forme d’apocalypse nucléaire qu’une admiration inébranlable pour John F. Kennedy qui, en plus d’innombrables autres qualités à leurs yeux, avait sauvé l’Amérique du Nord de la pire des tragédies.
Soixante ans plus tard, il n’y a pas de JFK à la Maison Blanche. Juste Joe Robinette Biden qui voit un trentenaire isolé en manque d’attention s’énerver à 11 000 kilomètres de là. Khrouchtchev nous manque presque.
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