La campagne de Darmanin contre Salah Hamouri a du plomb (légal) dans l’aile

Pour Gérald Darmanin, c’est une gifle politique. Le ministre de l’Intérieur n’a cessé, depuis plusieurs mois, de mobiliser les préfets de la république à des fins anti-républicaines : empêcher l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, expulsé de force de sa ville natale, Jérusalem, de s’exprimer en France . A chaque fois, le même prétexte est invoqué, un éventuel trouble à l’ordre public. Le tribunal administratif de Nancy a suspendu, le 16 mars, l’ordonnance d’interdiction prise la veille par le préfet de Meurthe et Moselle, qui visait une conférence-débat organisée par l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) Lorraine Sud avec, comme invité, Salah Hamouri.
Une décision qu’Alain Desmarest, président de l’AFPS 54 a qualifiée de « Victoire et première pour Salah Hamouri lui-même car ce qui était en cours avec les pressions de Darmanin, c’était le bâillonnement complet. Mais c’est aussi une victoire pour la liberté d’expression qui va au-delà de la seule question de Palestine. » C’est aussi une gifle pour le maire de la ville de Villers-les-Nancy, François Werner, qui s’est associé à certaines organisations juives ultra-minoritaires et défenseurs de la politique du gouvernement d’extrême droite israélien, pour exiger l’interdiction de la réunion.
L’arrêté préfectoral a été rendu public mercredi 15 mars dans l’après-midi pour un débat qui se tiendra le lendemain et dans des termes politiquement inconcevables et, surtout, faux. Dans les considérants relatifs à d’éventuels troubles à l’ordre public, le préfet écrit ainsi que Salah Hamouri « a été expulsé vers la France par les autorités israéliennes au terme d’une période de détention et pour un motif tiré de ses liens avec une organisation terroriste. le même préfet parle d’un « forte émotion » depuis « organisations représentant la communauté juive » et interventions diplomatiques et consulaires (toutes israéliennes en réalité). Il évoque également des manifestants prêts à venir en bus de Dijon, Strasbourg et Metz pour empêcher le « Le terroriste Salah Hamouri » parler.
Malgré les obstacles, l’AFPS, avec Amnesty International, la Ligue des droits, le Syndicat des avocats de France (SAF) et Salah Hamouri lui-même ont donc porté l’affaire devant le tribunal administratif de Nancy, demandant la suspension de l’arrêté préfectoral, qui s’est réuni le 16 mars. Il est à noter qu’aucun représentant des opposants à la tenue de la conférence n’était présent. Ce tribunal, constatant que le préfet n’avait pas relevé des propos que Salah Hamouri aurait tenus lors de précédentes conférences, susceptibles de troubler l’ordre public ou pénalement répréhensibles, a estimé que le risque pour l’ordre public émanait plutôt d’organisations voulant que l’on cesse de parler. Les requérants sont donc fondés à soutenir que l’interdiction de la conférence de Salah Hamouri « constitue une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de réunion et, par conséquent, de demander le sursis à l’exécution de la présente décision. » A cela s’ajoute la décision de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 000 € à chacun des requérants !
Pour Maître Christophe Sgro, qui a plaidé au nom de l’AFPS et d’Amnesty, « Cela va relâcher la pression constante exercée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. C’est la jurisprudence. C’est d’autant plus important qu’évidemment le but était de l’empêcher de parler partout en France, les arrêtés préfectoraux n’étant que des feuilles de vigne légales avec, toujours, ce risque de troubler l’ordre public. » L’avocat remarque également que ce dont Salah Hamouri est accusé est une condamnation par Israël, « rendu en réalité par une juridiction militaire dans un territoire occupé dont la raison d’être est le maintien de l’ordre colonial. »
Le fait que l’Etat doive verser une somme à Salah Hamouri montre le préjudice qu’il a subi. Cette décision mettra-t-elle enfin fin au harcèlement dont l’avocat franco-palestinien est victime en France par le ministre de l’Intérieur ou continuera-t-il à recourir à l’administration publique ? à des fins politiques, tuant en l’occurrence la liberté d’expression et accusant d’antisémitisme tous ceux qui contestent la politique d’un pays, Israël, aujourd’hui gouverné par l’extrême et les ministres dont au moins un, Bezalel Smotrich, se décrit comme « fasciste et homophobe ».
Comme le souligne l’AFPS, « de Versailles, à Poitiers en passant par Lyon et désormais Nancy, les pressions pour faire taire le mouvement de solidarité avec la Palestine se sont multipliées, orchestrées au plus haut niveau de l’Etat par le ministre de l’Intérieur jusque dans les débats de l’Assemblée nationale sans que cela soit contredit soit par le ministre des Affaires étrangères, soit par le président de la République.
Jeudi soir, devant la MJC où devait se tenir le débat, Salah Hamouri s’est exprimé légalement. Il a expliqué le calvaire des prisonniers palestiniens, l’horreur de la détention préventive. Il a dénoncé son expulsion de Jérusalem et de Palestine. Il a affirmé sa volonté de poursuivre son combat et de multiplier les conférences en France.
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