« Il va falloir mobiliser la population pour qu’elle maintienne ses dons », estime Jean Viard

Cette semaine, on apprenait donc avec cette étude baromètre publiée par les Apprentis d’Auteuil que la moitié des Français avaient fait des dons à des associations liées à la cause ukrainienne.
franceinfo : Les Français étaient visiblement là dans ce début de conflit aux portes de l’Europe, il y a une grande générosité ?
Oui, il y a une émotion, une immense émotion parce que d’une part, c’est en Europe, d’autre part, on le voit beaucoup à la télévision. Il y a une forme d’obscénité dans cette guerre car c’est presque en direct à la télé. Donc c’est effectivement inimaginable. Il y a un énorme soutien. Près de la moitié des Français ont donné ou ont dit qu’ils allaient donner.
Après, la pandémie a quelque peu freiné un certain nombre d’engagements, car, par exemple, avant la pandémie, il y avait environ un quart des Français qui donnaient du temps aux mouvements associatifs, à la maraude, à la solidarité. C’est beaucoup. On a un peu baissé car d’abord, avec le Covid, on ne pouvait pas tout faire. Il y a des gens qui ont arrêté, etc. Nous ne sommes plus qu’un Français sur cinq qui donne du temps parce que c’est important de donner du temps.
Et puis, autre chose qu’il faut dire aussi, c’est qu’en fait les riches donnent plus que les autres, ce qui est logique quelque part. Mais il y a près de 80 % des gens qui vivent très confortablement, qui ont donné à l’Ukraine et qui donnent régulièrement, qui donnent souvent plus de 2 000 euros par an. Donc, vous devez être prudent. Je pense que les pauvres sont souvent plus solidaires, mais pas forcément en argent car ils ont peu. Cela peut être dans la proximité, dans les services, dans le bricolage, dans la garde d’enfants, etc., dans d’autres formes de solidarité.
Mais effectivement, on a là ce phénomène ukrainien qui risque d’être un peu négatif pour les dons habituels, y compris parce qu’avec l’inflation, il y a un certain nombre de personnes qui vont se dire, ce n’est peut-être pas le moment de donner. Il va donc falloir mobiliser la population pour qu’elle maintienne ses dons.
Selon cette étude, un donateur sur cinq s’accorde à donner moins cette année pour d’autres causes humanitaires. C’est un peu le contrecoup de cette générosité pour l’Ukraine. On a déjà fait un don quelque part, alors on se dit, peut-être que je passe mon tour pour la suite ?
Oui, mais bien sûr. Donc les dons sont déductibles des impôts à 50%, ça alourdit aussi un peu les choses. Vous le savez de plus en plus, les dons sont des abonnements, nous sommes un monde d’abonnements. Donc il y a plein de gens qui ont des abonnements qui donnent 10 euros, 20 euros tous les mois pour l’Unicef ou pour une autre cause. Et du coup, ils sont abonnés à vie. Je dirais même plus, ils ne savent plus s’arrêter ? Car une fois que vous ouvrez votre compte d’abonnement, ce sont de petites sommes.
Dans certains magasins, nous collectons les centimes de vos achats et les centimes sont automatiquement reversés à des associations. Il existe donc également des systèmes de collecte modernes qui réglementent les dons. Les Français sont nombreux à donner, c’est une société très bâtie sur le monde associatif et sur les dons. On peut donc toujours espérer plus. Mais je trouve qu’il y a vraiment beaucoup de gens qui donnent de l’argent pour les autres.
Et cette habitude de donner de son temps aussi, qui s’est peut-être un peu perdue par peur de la contamination. Il faut aussi reprendre cette habitude. C’est peut-être compliqué ?
Oui, mais on reprend, on voit bien qu’il y a des « nouveaux entrants » car le grand moment de solidarité entre les générations c’est quand on prend sa retraite car on est encore en pleine forme, et on a 10 ans devant nous. Regardez les gens qui font la maraude, c’est souvent des jeunes retraités. Dans cette société, le don du temps, le don du service, énorme au sein des familles, de s’occuper des enfants et de s’occuper des aînés, et là-dessus, je crois qu’il faut faciliter la vie des gens là-dedans.
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