Face aux inquiétudes des indépendants, l’Etat annonce des indemnisations

«C’est une annonce qui nous choque», déclare Yanis Fialoux, qui gère cinq stations-service indépendantes dans la Drôme. stock.adobe.com
Après l’annonce faite par l’exécutif ce week-end, qui a suscité colère et incompréhension chez certains pompistes, Bercy s’est engagé sur des « mesures de compensation ».
Cette annonce pourrait avoir de graves conséquences à long terme. Alors que l’exécutif a annoncé ce week-end la possibilité pour les distributeurs de carburant de vendre «à perte« , la colère montait depuis plusieurs heures parmi les pompistes indépendants, qui craignaient de voir leurs revenus baisser. D’autant que la grande distribution peut se le permettre, grâce aux compensations de ses autres activités. Pour apaiser cette grogne sociale, le syndicat professionnel Mobiliens, représentant 5 800 stations-service, a annoncé lundi que Bercy s’était engagé à l’issue d’une réunion d’urgence à mettre en place «mesures de compensation» pour les stations-service indépendantes, après avoir autorisé la vente «à perte» à partir de décembre. Les ministres concernés à Bercy se sont engagés à mettre en place un «plan de soutien aux stations-service traditionnelles», toujours selon le syndicat qui se félicite de leur «écouter« . Dans deux mois et demi, les professionnels auront alors six mois pour revendre leur carburant à perte ou au meilleur prix. Ces dernières heures, il y avait encore de l’incompréhension.
«C’est une annonce qui nous choque» exprime Yanis Fialoux, qui gère cinq stations-service indépendantes dans la Drôme, c’est la mort des petites stations« . Pour ce professionnel, impossible de vendre à perte car il n’enregistre pas »grosses marges« . «Je suis à cinq centimes brut le litre, hors frais de transport et de gare« , il explique. Si ses clients désertent son établissement, Yanis Fialoux sera contraint de cesser son activité, faute de pouvoir compenser par d’autres prestations. «Nous donnons le monopole aux grands constructeurs», déplore le pompiste.
Un constat partagé par Frédéric Blosse, mécanicien et pompiste en Meurthe-et-Moselle : «La station service représente 40% de mon chiffre d’affaires, je ne peux pas perdre d’argent là-dessus.» «Je travaille douze heures par jour, six jours et demi par semaine, si je ne gagne rien, ça ne sert à rien de me lever», regrette le professionnel. Si aujourd’hui c’est 10 à 15 centimes de plus que les supermarchés, situés à quinze kilomètres de là, il espère désormais que la différence ne dépassera pas 20 centimes le litre. «Là, je vais perdre du volume et des clients», prédit Frédéric Blosse.
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Un secteur entier en berne
Pour Francis Pousse, président national des stations-service et énergies nouvelles du syndicat Mobiliens, ces stations indépendantes «ne sont pas capables de jouer dans la cour des grands« . «Ils ne peuvent pas déjà faire le prix de revient, donc encore moins vendre à perte», souligne-t-il. A noter que sur les 5 800 stations-service françaises, 3 400 sont affiliées à TotalEnergies et 2 400 à d’autres groupes, de taille bien plus modeste, comme Avia ou Dyneff. «Il faut distinguer les stations qui appartiennent à des enseignes qui les contrôlent, et celles qui ont des contrats de franchise et de fourniture.», souligne Olivier Gantois, président de l’Ufip Énergies et Mobilités.
Pour ces derniers, généralement ruraux, le poids du «vendre à perte» est donc d’autant plus important, car ces stations s’approvisionnent auprès des raffineurs et ont donc des coûts supplémentaires. «Faute de proposition du gouvernement, il faudra absolument indemniser ces 2.400 stations-service», plaide Francis Pousse. L’expert explique que ces établissements vivent avant tout de la diversification des services, avec laverie ou commerces. Mais «sans clients à la pompe, il n’y en aura pas non plus dans ces services, ce qui fera chuter le chiffre d’affaires« , il explique.
C’est notamment pour cette raison que Francis Pousse abordera ces questions d’indemnisation et de chômage partiel avec Bruno Le Maire, lors d’échanges prévus ce lundi soir. «J’espère qu’on pourra aussi discuter du fonds de transition pour les stations-service, qui vise à les diversifier avec l’installation de bornes électriques», mentionne le professionnel. «Mais cette décision de vendre à perte remet tout en cause. Si nous ne traitons pas cette situation d’urgence par des aides, ce fonds de transition ne servira à rien car une grande partie des stations-service auront mis la clé sous la porte.« , il ajoute.
Frédéric Plan, directeur général de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C), attend désormais que le projet de loi soit voté devant l’Assemblée nationale dans quelques semaines. «Le débat parlementaire nous rassure un peu, ce sera l’occasion de comprendre la situation», précise-t-il. De leur côté, les pompistes réclament deux solutions : rétablir une TICPE flottante (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) ou réduire la TVA. «Tant que nous pouvons tenir le coup, nous n’abandonnerons pas», assure le manager Yanis Fialoux.
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