Étienne Fourmont, « l’agri-youtubeurre »

Dans les allées du Salon de l’agriculture, Étienne Fourmont n’est pas passé inaperçu. Cette année, l’agriculteur sarthois n’a pas présenté ses animaux aux visiteurs. Au stand de la Ferme numérique, une association qui cherche à allier numérique et agriculture, il est plutôt venu avec sa deuxième casquette : celle de star des réseaux sociaux.
Le trentenaire est à la fois agriculteur et YouTubeur. Soit un » agri-youtubeurre », glisse-t-il avec un clin d’œil. C’est le nom qu’il a choisi pour sa chaîne sur la plateforme vidéo. Cumulant des millions de vues, Étienne Fourmont est également en pleine promotion de son livre fraîchement paru, Paix & Nourriture (1), où il poursuit le même objectif que sur les écrans : déconstruire les idées reçues sur son métier.
De la grange à Internet
Pour comprendre cette étonnante trajectoire, il faut remonter aux origines de sa « authentique » profession : celle d’éleveur de bétail. Une vocation ? » Pas vraiment », avoue-t-il en riant. Pourtant, il passe toute son enfance sur la ferme familiale, héritée de père en fils depuis cinq générations, située à la frontière entre la Sarthe et la Mayenne.
Son intérêt naît surtout au moment de son orientation, à la fin du collège. Après un bac au lycée agricole du Mans, un BTS, puis un voyage de deux ans en Nouvelle-Zélande, sa carrière d’agriculteur débute en 2003 aux côtés de son père, sur l’exploitation de 90 ha avec une centaine de vaches laitières. .
Mais comment expliquer le choix de combiner champs et Web ? La réponse est probablement du côté de son « famille syndicale ». Comme ses ancêtres, Étienne rejoint les Jeunes Fermiers, où il gravit rapidement les échelons.
Il a alors commencé à utiliser Twitter, au moment où L214, l’association de protection des animaux « attaque régulièrement (son) profession. Il y avait beaucoup d’idées fausses qui circulaient, des messages qui m’horrifiaient. Au début c’était un vrai choc, puis de la colère, explique-t-il, évoquant des affrontements houleux sur le réseau. Alors, petit à petit, je me suis rendu compte qu’il y avait un problème plus profond, un malentendu. Là, je me suis dit qu’il était vital de communiquer sur notre métier. »
Le défi du changement climatique
Étienne Fourmont poursuit ses efforts pour être plus pédagogue : « Je suis parti de la base, en expliquant ce qu’était une vache, comment elle vit, comment se fait le lait… » Problème : Twitter devient rapidement un média trop restrictif. A l’époque, il suivait déjà ses collègues sur YouTube, « mais c’était surtout des céréaliers ». Il décide alors de fonder sa propre chaîne en 2018, en postant des vidéos explicatives où il raconte son quotidien d’éleveur bovin.
Interrogé sur les grands défis de sa génération, l’agriculteur n’hésite pas : » Changement climatique », il répond du tac au tac. Conscient de « besoin d’adaptation pour faire évoluer son secteur vers un modèle plus vertueux »il veut surtout casser les idées reçues » que les agriculteurs sont des ennemis de l’environnement, des méchants prêts à tout pour produire ».
Tout en restant ferme sur certains sujets, comme l’agriculture biologique : «On ne pourra pas faire que du bio en France, il martèle fermement. Il faut certes revoir les doses de pesticides, réduire notre dépendance, mais il est impossible de dire que nous n’en utiliserons plus. »
Restaurer l’image de la profession
Autre cheval de bataille : il veut recréer un lien avec les consommateurs. » Nous sommes à une époque où l’argent reste le nerf de la guerre. Depuis le Covid, la guerre en Ukraine, l’inflation… tous les beaux discours pour « acheter français » se sont essoufflés », regrette-t-il, évoquant la part croissante des importations alimentaires en France. « Il va falloir faire des efforts et payer le juste prix si on veut aller dans le sens de la souveraineté alimentaire ! »
Passant de YouTube à l’écriture, le jeune éleveur cherche désormais à « pour toucher un autre public, moins jeune que celui des réseaux sociaux ». Là aussi, il s’agit de rappeler la réalité d’un « Un métier passionnant, qui se modernise et qui a de l’avenir. Certes, c’est un quotidien intense, pas toujours facile, il reconnaît. Mais cela ne doit pas sembler horrible. Moi, j’adore ce métier ! « .
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