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Nouvelles locales

En Egypte, des chrétiens aident les réfugiés soudanais

La soif se fait sentir en ce matin d’août. Des dizaines de Soudanais attendent dans la cour de la cathédrale de Tous les Saints, qui abrite également le siège de l’Église anglicane en Égypte. A l’ombre des parasols posés sur le bitume, le thermomètre frôle les 40°C. «Je cherche un moyen de subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille» explique Rashida Mohammed, qui visite les associations caritatives basées au Caire.

Sept semaines plus tôt, cet homme de 29 ans avait entamé un voyage de 3 000 kilomètres depuis El-Fasher, la capitale du Nord Darfour. Cette région fait partie des vastes territoires ravagés par la guerre débutée le 15 avril, entre les troupes régulières des Forces armées soudanaises et les très puissantes milices des Forces de soutien rapide.

4,7 millions de civils sur les routes

Les rivalités se sont cristallisées autour d’un désaccord sur l’intégration des miliciens dans l’armée. De leur côté, les islamistes de l’ancien régime, hostiles au retour d’une transition démocratique qui menacerait leurs intérêts économiques, n’ont cessé d’alimenter ce conflit. L’ONG Acled a recensé provisoirement près de 5 000 décès. Les affrontements ont également jeté 4,7 millions de civils sur les routes. Deuxième pays hôte derrière le Tchad, l’Égypte a enregistré plus de 287 000 arrivées. Beaucoup, comme Rashida Mohammed, sont néanmoins exclus de ce décompte.

« Nos passeports étaient expirés, le consulat égyptien a donc refusé de nous délivrer un visa. Nous avons dû traverser la frontière illégalement. » dit le survivant. Après l’épreuve du désert nubien, infesté de scorpions et de serpents, elle fait partie des chanceux qui ont atteint le Caire mais se retrouve dans une situation d’extrême vulnérabilité, tant matérielle que psychologique. Cependant, de nombreux chrétiens peinent à venir en aide à ces civils, en majorité musulmans.

Un marché du travail saturé

C’est le cas du pasteur Yasir Kuku, qui accueille Rashida Mohammed dans son bureau climatisé. « Chaque jour, des réfugiés soudanais viennent ici pour récupérer de la nourriture et des vêtements. Nous emmenons aussi les malades à l’hôpitalénumère ce Soudanais installé au Caire depuis douze ans. En parallèle, nous organisons des formations pour faciliter l’embauche de ces nouveaux arrivants. »

Trouver un emploi est une prouesse dans un marché presque saturé. Avant le déclenchement du conflit, l’Égypte accueillait officiellement 291 500 réfugiés et demandeurs d’asile, ainsi que des milliers de migrants irréguliers. « Les quelques postes disponibles sont si mal payés qu’ils ne peuvent pas survivre » résume Ali (1). Ce comptable fait désormais partie de la petite partie des survivants qui ont trouvé du travail.

Son patron s’appelle Peter George. L’année dernière, cet homme d’affaires a eu une vision : le Christ lui a demandé de travailler pour les Soudanais, alors déjà relégués dans les banlieues défavorisées du Caire. « Il est de notre responsabilité en tant qu’êtres humains et chrétiens de transmettre l’amour de Dieu. Nous ne pouvons pas nous contenter de mots. Nous devons montrer l’amour en action, qui génère des résultats tangibles. » il insiste.

Une approche holistique

Éducation, sport, entrepreneuriat féminin… En quelques mois, cet évangélique égyptien a monté différents projets dédiés aux réfugiés soudanais. Puis, il intègre les nouveaux arrivants dans les rangs de la PME qu’il vient d’inaugurer pour se concentrer sur la formation et le développement. « Nous essayons de travailler de manière globale, reprend Peter George. Car on ne peut pas accompagner une communauté sans renforcer ses compétences. »

Dans les locaux flambant neufs à l’odeur de peinture fraîche, le comptable Ali savoure son privilège… sans parvenir cependant à faire le deuil de sa vie passée. « Il n’y a pas de mots pour exprimer ce que l’on ressent quand on perd tout : sa maison, son travail, son pays… » il témoigne. Un peu soulagé par son contrat, le quadragénaire a entamé les démarches pour envoyer à l’école ses jumeaux de 10 ans.

Des tensions croissantes avec la communauté d’accueil

Les frais de scolarité requis pour une école suivant le programme soudanais sont de 12 100 livres égyptiennes par an (362 €). Là encore, la solidarité s’organise. La branche égyptienne du Catholic Relief Services (CRS) soutiendra ainsi 70 000 écoliers pour l’année à venir, dont au moins 15 000 survivants de la guerre actuelle.

« Nous restons vigilants, car l’ouverture des frontières a tendance à attiser les tensions avec la communauté locale, ajoute Katie Dutko, responsable des programmes du CRS, qui opère en collaboration avec l’ONU, le gouvernement et d’autres ONG. De nombreux Égyptiens ont du mal à subvenir aux besoins fondamentaux de leur famille. C’est donc un peu frustrant pour eux de devoir partager ressources, services et aide humanitaire avec ces nouveaux migrants. »

« Une chance d’aider les autres »

Désireuses de limiter la pression, les autorités égyptiennes ont drastiquement réduit les passages aux frontières depuis le 10 juin, entraînant une hausse des passages illégaux. Certains Soudanais repartent finalement en direction des bombes, résignés. « Mon frère est rentré au Soudan hier pour travailler et nous envoyer de l’argent. » dit Rashida Mohammed.

A environ trente minutes de route du diocèse, Ebtehaj Mustafa a lancé l’initiative « Main à main » avec deux paroissiens. Elle-même réfugiée au Caire après s’être convertie au christianisme, cette animatrice radio effectue régulièrement des tournées à la station pour repérer les familles soudanaises désorientées. « Dieu me donne une chance d’aider les autres » demande-t-elle humblement. Depuis fin juillet, elle consacre l’essentiel de ses efforts à Samia (1) et à ses sept enfants, victimes de traite des êtres humains et d’abus sexuels lors de leur fuite.

Plateforme de départs vers l’Europe, la Libye voisine est tristement célèbre pour ce type d’abus. Cependant, la guerre risque d’augmenter le nombre de candidats à la périlleuse traversée de la Méditerranée, tandis que les jeunes restés au Soudan constituent un vivier pour les deux camps. Et, enfin, des recrues convoitées par l’État islamique.

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Au Soudan, un projet de sécularisation en suspens

Depuis 1983, la loi est basée sur la charia. Malgré la chute de la dictature militaro-islamiste en 2019, la réforme du Code pénal n’a pas abouti. Cette application rigoureuse de l’Islam conduit à des décisions judiciaires archaïques. L’année dernière, une bergère accusée d’adultère a échappé de peu à la lapidation.

La minorité chrétienne (environ 5% de la population soudanaise), ainsi que les animistes (2 à 3%), restent marginalisés.

Le 28 mars 2021, les autorités de transition ont signé un « déclaration de principes » vers la laïcisation de l’État. Le putsch perpétré sept mois plus tard a gelé ce processus.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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