D’une Coupe du Monde de Rugby à l’autre, les joueurs peuvent changer d’équipe
Au tournant des années 1990, Abdelatif Benazzi, deuxième ligne né au Maroc, dispute douze matches sous les couleurs de son pays natal. Sa carrière avec les Lions de l’Atlas fut de courte durée. Son talent le propulse rapidement dans les rangs du XV de France, dont il dispute 78 matches, en est le capitaine et l’une des figures majeures.
A l’époque, Benazzi avait pu changer de maillot car il n’avait pas disputé de match de qualification pour la Coupe du monde. L’encadrement s’est alors resserré : jusqu’à récemment, dès qu’un joueur possédait une casquette senior, il ne pouvait plus porter une autre tunique nationale.
Une situation problématique pour certains pays, notamment ceux des îles du Pacifique (Fidji, Tonga et Samoa). L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont souvent fait appel à la diaspora pour compléter leurs équipes. Quitte à laisser sur la touche des joueurs, devenus inéligibles dans leur pays d’origine, après seulement quelques sélections.
« C’est un très bon changement pour le rugby »
Voulant renforcer les « petites » nations, World Rugby a décidé en 2021 de modifier les règles d’éligibilité, permettant aux joueurs qui n’ont pas été sélectionnés depuis trois ans d’être appelés dans une autre équipe nationale, à condition qu’ils aient au moins un grand-parent né dans le pays en 2021. question. La Coupe du monde 2023 est la première Coupe du monde à se dérouler avec cette nouvelle réglementation.
Sans surprise, les sélections des Samoa et Tonga en sont les principaux bénéficiaires. Le premier nommé a attiré l’ouvreur Lima Sopoaga, le troisième ligne Steven Luatua et le pilier Charlie Faumuina (respectivement 16, 15 et 50 sélections avec les All Blacks), ainsi que Christian Leali’ifano (26 sélections avec l’Australie).
Les Tonga ont recruté l’ex-Wallaby Adam Coleman (38 sélections), Pita Ahki (plusieurs matches avec l’équipe néo-zélandaise de rugby à sept) ainsi que quatre anciens All Blacks : Charles Piutau (17 sélections), Vaea Fifita (11 sélections), Augustine Pulu ( 2 sélections) ainsi que George Moala (4 sélections). Ce dernier n’a toutefois pas pu fouler les pelouses françaises car il est suspendu jusqu’à la fin de la phase de poules. La Namibie, de son côté, pourra compter sur Richard Hardwick (2 sélections pour l’Australie).
Ce changement n’a pas profité qu’aux deuxièmes équipes mondiales : l’Afrique du Sud comptera dans ses troupes l’ancien international irlandais Jean Kleyn (5 sélections) et l’Ecosse l’ancien troisième ligne australien Jack Dempsey (14 sélections).
Certains profils correspondent parfaitement à ce qu’anticipait World Rugby. C’est le cas d’Augustine Pulu, dans le groupe tongien après avoir été longtemps bloqué par ses deux sélections avec la Nouvelle-Zélande, ou de Pita Ahki, exclu des Tonga pour quelques apparitions avec l’équipe néo-zélandaise de rugby à sept. -Zélande. « Le fait que Charles Piutau n’ait pas joué de match international depuis des années est vraiment dommage. C’est vraiment génial de le revoir. C’est un très bon changement pour le rugby.»se réjouit la légende des All Blacks Sean Fitzpatrick.
Anticiper les évolutions
D’autres changements semblent loin des objectifs initiaux de la fédération internationale. Bien qu’il n’ait pas été sélectionné pour la Coupe du monde en raison d’une blessure, Israel Folau, né à Minto (Australie), a déjà disputé plusieurs matches avec les Tonga. Il a toutefois été écarté des Wallabies – après 73 sélections – suite à la publication de commentaires homophobes sur les réseaux sociaux.
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Le changement de règle ne concerne pas uniquement les joueurs bloqués par une poignée de sélections disputées depuis longtemps. Charlie Faumuina a participé à 50 matches sous le maillot fougère des All Blakcs, dont la finale victorieuse de la Coupe du monde 2015, avant de rejoindre les Samoa. Quant à Jean Kleyn, il affrontera peut-être ses anciens coéquipiers irlandais, avec qui il jouait il y a seulement quelques années, et qui croiseront la route de l’Afrique du Sud en phase de poules.
Le délai de trois ans avant un changement de nationalité sportive permet donc de troquer la tunique d’une sélection contre une autre d’une Coupe du monde à l’autre, et même d’anticiper cette évolution. La presse néo-zélandaise attribue ainsi à Richie Mo’unga, maître à jouer des All Blacks, le projet de porter les couleurs des Tonga en 2027, en Australie. Tout bien considéré, c’est un peu comme si Romain Ntamack envisageait de jouer pour le Cameroun, le pays de son grand-père paternel. Un cas loin du modèle initialement envisagé par World Rugby.
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