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Divertissement

Dans son exposition « Hyperréalisme », le musée Maillol présente d’inquiétantes sculptures plus vraies que nature


Au musée Maillol, l’exposition Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps présente une cinquantaine d’oeuvres. La visite est un étrange voyage dans un univers sombre d’où émergent de curieux personnages. Une sculpture hyperréaliste, comme son nom l’indique, doit être au plus près du réel, du réel. Surpris, le visiteur pourrait croire apercevoir des humains, des acteurs cachés ça et là dans les salles d’exposition.

Ici, c’est en sursaut qu’il aperçoit une jeune fille boudeuse, le visage caché sous son sweat face au mur. Plus loin, c’est avec le sourire qu’il s’approche d’un vrai cow-boy de pub se faisant passer pour un gamin de western. Il y a fort à parier que pendant les sept mois que durera l’exposition, certains visiteurs questionneront une sculpture en la pensant vivante. Entre art contemporain et train fantôme, on se lance dans l’hyperréalisme.

Dans l’histoire de l’art, on pourrait remonter à 25 000 avant JC pour voir naître le réalisme en sculpture. Représenter le corps humain au plus près a toujours été une tâche ardue et une obsession des artistes martelant le marbre. Beaucoup plus près de nous, le débat sur le réalisme provoqua de délicieux scandales : au début du XXe siècle, l’illustre Rodin fut accusé de modeler sur un modèle lorsqu’il présenta son âge d’airain, si plausible et réaliste. Il est reconnu aujourd’hui comme un chef-d’œuvre.

Il faut remonter aux années 60 pour retrouver les racines du mouvement appelé « Hyperréalisme ». Des artistes comme Duane Hanson, John DeAndrea ou George Segal, dans le sillage du Pop Art et lassés de l’abstraction qui domine aux États-Unis, décident de reproduire le plus fidèlement possible des personnages de la société américaine.

Ils détournent ainsi l’image du corps parfait véhiculée par la publicité et la société de consommation en vogue ces années-là. « Ce ne sont pas des corps idéalisés, les personnages peuvent être âgés, obèses, ils peuvent être marginalisés, représentants des classes populaires » nous raconte Léa Rangé, responsable de l’exposition au musée Maillol.

Aujourd’hui on parlerait de l’invisible : dans l’une des premières salles, le visiteur croise des ouvriers, leurs échelles et leurs outils. L’œuvre de Duane Hanson est un bronze, et dans les traits dessinés de ces deux hommes se lit la fatigue des ouvriers américains. Politique et poétique, depuis les années 1960 l’hyperréalisme se développe. Une seule liaison ; avec une précision chirurgicale, le corps doit être représenté dans tous ces détails, même les plus intimes ; cheveux, cheveux, ongles, peau ridée, de près ou de loin, l’illusion doit être parfaite.

Pour bien comprendre ce mouvement, intéressons-nous à la pièce maîtresse de l’exposition. Faite de soie, de silicone et de cheveux humains, la sculpture est envoûtante. C’est Femme et enfant par Sam Jinks, une vieille dame ridée aux yeux fermés. Dans ses bras, un nourrisson. On imagine qu’il date de quelques jours. Le visiteur peut s’approcher, presque le toucher, l’émotion l’envahit. Ce pourrait être une grand-mère et son petit-fils dans un geste de douce affection. Une histoire de famille.

Femme et enfant Sam Jinks (@Christophe Airaud)

Et bien non. Pour Sam Jinks, c’est le cycle de la vie. De la naissance à la vieillesse. Cette femme tient sa propre naissance dans ses bras. C’est la force de l’hyperréalisme, ces oeuvres ne sont pas des modèles en cire de Madame Tusseau ou du musée Grévin. Face à eux, une intimité très proche se développe. Nous ne pouvons jamais être aussi proches d’un étranger. Ce réalisme est troublant, et il permet de tout imaginer de cette femme à l’enfant. L’hyperréalisme est le domaine de l’étrangeté.

En 2005, puis en 2013, la Fondation Cartier a accueilli les œuvres de Ron Mueck. L’Australien, ancien concepteur d’effets spéciaux pour l’industrie cinématographique, est aujourd’hui le sculpteur le plus populaire de l’hyperréalisme. Son principe : le changement d’échelle. Dans Maillol, son homme en drap de 50 centimètres de haut est inquiétant et mystérieux. Un petit monstre, un Gremlins ou un Yoda à visage humain. Que Mueck vienne du cinéma n’est pas surprenant.

La statue est si petite que l’homme ne pourrait pas exister, et pourtant son regard sombre fixe le visiteur qui se penche pour tenter de capter l’humanité de ce petit être. Ces changements de taille provoquent diverses sensations. « Quand l’artiste réduit la taille, il exprime la vulnérabilité, la fragilité de l’espèce humaine. Quand il agrandit les proportions, surgit la force de l’Homme », dit Léa Rangé.

Quelques salles plus loin, voici les bustes créés par Carole Feuerman. Elle est l’une des pionnières dans cette représentation du corps féminin. Issue de l’univers rock, elle a illustré des pochettes d’albums pour Alice Cooper et les Rolling Stones dans les années 70, avant de mouler ces corps et bustes de femmes. Elle est à Paris pour présenter au Musée Maillol ces nageurs sortant de la piscine et encore ruisselants de gouttes d’eau. On les imagine californiens.

« Pour moi, ces femmes sont le symbole de la force, de renaissance et de purification par l’eau. Ils sont forts et fiers. Comme Vénus émergeant des flots, nous dit-elle. Elle explique que les détails de la peau, la marque du maillot de bain qui s’enfonce un peu dans la peau, signe le niveau de réalisme et « nous savons donc que ce n’est pas un modèle, mais le moulage d’une vraie personne », Elle ajoute. Ce qui est bluffant avec ces bustes, c’est l’humidité qui se dégage des oeuvres. L’une d’elles se trouve au dernier étage du musée, au milieu des sculptures du maître des lieux, Aristide Maillol. Un siècle après leur création, la même recherche sur le corps féminin, et le face-à-face avec l’ultra moderne dépoussièrent le musée.

Jumelle du général Carole A. Feuerman (DR)

Dans l’une des salles de l’exposition, une œuvre surprend. Elle semble avoir défié les codes. Un magnifique bronze de près de trois mètres de long. Un homme avec le corps d’un arbre coupé. Moins réaliste que poétique. C’est l’oeuvre de Fabien Merelle, jeune artiste de la promotion 2006 des Beaux-Arts de Paris et tronqué fait partie de sa série Métamorphose sur le thème homme-nature-animal.

Fabien Mérelle devant son oeuvre Tronçonné (CA )

On pourrait décrire l’œuvre comme un centaure au corps d’arbre. Fabien Merelle lui parle d’un homme qui tombe comme un arbre abattu. « La nature n’est pas en dehors de nous, l’arbre fait partie de nous, de moi. Quand je regarde un arbre, je vois un corps », nous parle de cet artiste né dans l’Essonne non loin d’un petit bois qui traversa l’adolescence. Fabien Merelle instille une écologie poétique dans ses œuvres à une époque où la souffrance des plantes fait la une des journaux.

« L’hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps » au musée Maillol
Jusqu’au 5 mars 2023
59-61 Rue de Grenelle, Paris 7e
Les 10, 11 et 17 novembre 2022, le Musée Maillol accueillera pour la première fois des groupes de visiteurs entièrement nus pour visiter l’exposition.



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