Jannah Theme License is not validated, Go to the theme options page to validate the license, You need a single license for each domain name.
Nouvelles locales

Cyril Mennegun : « Une bonne adaptation doit passer par une grande trahison »


Votre série « Spirit of Winter » est tirée du roman éponyme de Laura Kasischke. Pourquoi avez-vous choisi de l’adapter en série ?

C’est assez simple, ça a commencé par une lecture, puis une envie. J’ai beaucoup aimé le livre, alors j’ai pensé à en faire mon prochain long métrage. Puis, très vite, j’ai eu envie de donner plus d’ampleur aux personnages qui y sont représentés. J’ai donc lancé ce qui est devenu ma première série, il y a trois ans. Avant, j’avais surtout travaillé sur des sujets de société, à travers des documentaires, puis avec mon film « Louise Wimmer ». J’ai toujours aimé faire des portraits de femmes. Avec « Spirit of Winter », j’ai pu travailler sur une histoire à la fois ancrée dans le réel et dans une forme de fantasme issue de la folie et de la psyché du personnage principal. Dans l’histoire de « Spirit of Winter », il y a une sorte de grain de sable, très caractéristique des oeuvres de Laura Kasischke, qui dévie peu à peu la réalité vers une forme de fantasme quotidien, sans qu’on sache s’il vient vraiment du fantastique ou de l’imaginaire des personnages.

Comment avez-vous travaillé à partir du roman original ?

J’ai pris toutes les libertés. A moins de vouloir travailler sur « Les Misérables » ou « Madame Bovary », une bonne adaptation d’une langue littéraire à une langue audiovisuelle doit passer par une grande trahison. Le plus difficile est de trouver ce que l’histoire raconte réellement et profondément. Pour « Spirit of Winter », c’est le lien entre une femme qui ne peut pas avoir d’enfant et une petite fille qu’elle a adopté un jour en Roumanie. Et la conviction qu’elle développe alors, que l’enfant qui lui est confié n’est pas le bon. C’est extrêmement simple comme point de départ. Elle interroge la maternité, le besoin d’avoir des enfants, le lien mère-enfant, mais aussi la fraternité… Une fois le cœur de l’histoire trouvé, il faut se l’approprier et choisir ce que l’on veut raconter. J’ai voulu peindre le portrait sensible d’une femme prise au piège de son imaginaire, de son angoisse et de sa culpabilité d’avoir abandonné un enfant en Roumanie, pour en récupérer un autre. C’est ce que je préfère : montrer un personnage féminin profond et construit.

Avec « Spirit of Winter », j’ai voulu peindre le portrait sensible d’une femme prise au piège de son imaginaire, de son angoisse et de sa culpabilité d’avoir abandonné un enfant en Roumanie.

La série met en scène une forme de maternité loin des représentations habituelles, évoquant la dépression post-partum ou encore les troubles mentaux et les questions liées à l’adoption…

Nathalie n’est ni une bonne ni une mauvaise mère. Personne n’est. C’est une relation fusionnelle qui est mise en scène. Sauf que, cette relation, Nathalie l’a construite avec un enfant qui n’est pas celui qu’elle a finalement adopté. Cette relation avortée a vidé cette femme de ses sentiments, de ses désirs de vie, pour l’emmener vers quelque chose d’infiniment plus morbide : le souvenir obsédant de l’abandon et la culpabilité d’avoir, d’une certaine manière, acheté un enfant. Face à cette culpabilité, le monde entier lui dit qu’elle est une mauvaise mère. Mais c’est avant tout une mère fusionnelle, inquiète et obsessionnelle, qui n’a cessé de réinventer son enfant idéal. Elle se demande comment elle a pu, en adoptant un enfant, en abandonner tant d’autres. C’est une question terrifiante.

Toute la série se déroule à huis clos, dans la maison familiale…

Je voulais tourner à huis clos pour pouvoir profiter au maximum de cette relation mère-fille de la manière la plus cinématographique. Mais le huis clos, c’est aussi un vrai défi de mise en scène. Il faut réussir à conserver un certain dynamisme, une certaine richesse. Chaque plan doit être différent et appeler quelque chose de nouveau, même si le décor ne change pas. Un nouvel éclairage, une variation dans la mise en scène, dans la dramaturgie, dans le rapport entre les personnages, dans les dialogues, la lumière, le son ou l’utilisation de la musique… Cela rassemble toute la grammaire du cinéma. Pour que la caméra soit complète, j’ai décidé de tourner en studio. Les personnages sont piégés dans cette maison comme des souris, le spectateur avec eux. La rencontre de la caméra et du studio crée un lieu de concentration très fort et intéressant, car une fois les questions techniques réglées, cela permet de focaliser toute l’attention sur les acteurs et leur mise en scène. A l’inverse, un décor réel oblige le metteur en scène à s’adapter en permanence aux facteurs extérieurs, et donc à abandonner en partie les acteurs.

Icône Citation Le cinéma est le langage des rêves, des cauchemars et de la psyché. Il est composé d’images et de sons que l’on peut diffracter, tordre ou redresser.

Vous avez choisi les actrices Audrey Fleurot et Lily Taïeb. Pourquoi ce duo ?

J’ai toujours eu le désir de travailler avec Audrey. Je la connais depuis longtemps et c’est une excellente actrice, que j’aime énormément. Je devais lui trouver un garant. Avec elle, j’avais trouvé le feu. Je n’avais plus qu’à trouver la glace. J’ai donc choisi Lily Taïeb. Le rôle de Nathalie, que j’ai offert à Audrey, flirte avec l’expressionnisme. Il s’inscrit dans une conception très « polanskienne » de l’héroïne, avec un jeu qui repose beaucoup sur l’attitude, le regard, le corps et l’occupation de l’espace. Dans la série, les dialogues n’interviennent que pour apporter ou exprimer des éléments essentiels à l’histoire, mais jamais pour remplir l’espace. Je voulais laisser une grande place au son ambiant et à la musique, qui sont aussi deux vrais langages cinématographiques.

Comment décrire une histoire aussi psychologique ?

C’est clair qu’il y a du boulot. Mais, quand on regarde, par exemple, les films de Polanski ou de Lynch, on se rend compte que le cinéma est, par essence, le langage des rêves, des cauchemars et de la psyché. Le cinéma est fait d’images et de sons que l’on peut diffracter, tordre ou remettre à l’endroit pour lever le doute, pour entrer dans cette zone grise entre le réel et l’irréel. C’est ce que j’ai voulu faire avec « Spirit of Winter » : être entre réalité et fiction, entre réalité et rêve et entre réalité et imaginaire.

Les rebondissements de l’âme d’une mère

Ce matin du 24 décembre, Nathalie (Audrey Fleurot) se réveille en retard et chiffonnée. Sa fille Alice (Lily Taïeb), qui vient habituellement réveiller le couple qu’elle forme avec Marc (Cédric Kahn), est restée dans sa chambre. Panique au chalet : le mari doit partir précipitamment pour retrouver ses parents pour le réveillon. Marc parti, mère et fille vont être coincées dans une tempête de neige. Commence alors un huis clos angoissant pour Nathalie.

Utilisant d’incessants flashbacks des Noëls passés, Nathalie est tour à tour dépeinte hystérique ou déprimée, depuis le jour où elle a adopté cette petite fille en Roumanie : ce n’est peut-être pas la bonne qu’elle a choisie… Pourquoi imagine-t-elle comme scène d’ouverture de son roman qu’un jeune fille identique à la sienne se défend par la fenêtre ? Elle l’aime, cependant, et peut-être que leurs disputes se déroulent dans sa tête, comme ces appels et vidéos intimes qu’elle reçoit…

En adaptant ce roman de Laura Kasischke, Florence Vignon et Cyril Mennegun ont offert une contre-utilisation parfaite à Audrey Fleurot, qu’on a l’habitude de voir dans des rôles plus mainstream en femme forte, la fantasque Morgane de « HPI ». ou la volontaire Marguerite dans « Les Combattantes ». Elle flirte ici admirablement avec l’abîme de la folie.

New Grb1

Toutes les actualités du site n'expriment pas le point de vue du site, mais nous transmettons cette actualité automatiquement et la traduisons grâce à une technologie programmatique sur le site et non à partir d'un éditeur humain.
Bouton retour en haut de la page