Conversation avec Sarah Naciri, réalisatrice et scénariste
Le Matin : Vous animez un atelier de création de personnages à la Ficam, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Sarah Naciri : J’ai fait un parcours classique. Après le lycée, j’ai étudié à l’École des Gobelins, j’ai tout de suite eu envie de me lancer dans l’enseignement car j’aime transmettre mes connaissances aux élèves. J’enseigne l’animation à Tumo en France, une école de création numérique gratuite pour les 12-18 ans. J’ai aussi un petit atelier où j’enseigne. Ma passion est de transmettre au plus grand nombre et c’est justement ce que je fais chez Ficam. Je suis très heureux de cette opportunité qui me permet également de visiter mon pays d’origine.
Y a-t-il plusieurs personnes inscrites à votre atelier à la Ficam ?
Nous sommes complets : 16 personnes. Tous les étudiants sont très motivés et possèdent de nombreux talents.
Y a-t-il beaucoup de femmes dans votre classe ?
J’ai plus de femmes que d’hommes dans ma formation. C’est une bonne chose, car j’ai demandé la parité. Il faut savoir que l’industrie de l’animation est depuis très longtemps dominée par les hommes. Ce sont souvent des hommes qui travaillent à la production et à la réalisation de grands films. La situation commence à changer aujourd’hui, mais il faut continuer à se battre. J’essaie de transmettre cette idée à mes étudiantes, pour les encourager à croire en elles et qu’elles ont autant de valeur que les hommes. Être né homme ou femme n’a rien à voir avec le talent.
Est-ce difficile pour une femme de percer dans le monde de l’animation ?
Avant oui, c’était le cas, mais maintenant nous avons nos chances. L’obstacle à notre réussite vient peut-être des générations plus âgées ou de nous-mêmes, car nous n’avons pas eu de modèle féminin dans l’animation, mais nous devons oser et entretenir notre flamme.
Y a-t-il beaucoup de stéréotypes dans l’animation ?
Il existe de nombreux stéréotypes, notamment en matière de design. De gros clichés sont appliqués aux femmes. Par exemple, lorsque nous dessinons un personnage féminin, nous lui donnons de gros cils et du rouge à lèvres alors que beaucoup de femmes ne se maquillent pas. On a tellement grandi avec ces clichés du cinéma d’animation que quand on parle d’un personnage féminin on pense à «Jessica Lapin » ou pour « Mickey» qui sont des personnages très stéréotypés. Je ne dis pas que c’est mal de faire ces personnages, c’est nécessaire, mais il faut aussi se forcer à penser différemment et apprendre à présenter des images différentes. Nous devons briser les stéréotypes de genre dans le design et c’est ce que j’enseigne dans mes cours.
Les personnages de princesses dominent toujours dans le cinéma d’animation. Les femmes africaines et arabes sont peu présentes. Qu’en penses-tu ?
Certes, il n’y a pas que les princesses, il faut le dire et le faire. La situation commence à changer aujourd’hui, même en grands films Disney, les personnages féminins commencent à prendre plus de place par d’autres moyens. D’un autre côté, il existe des personnages racisés autour de leur culture. Il faut créer des personnages qui ne ressemblent pas aux stéréotypes habituels, issus d’autres milieux culturels, qui vivent autant de vie et d’aventures que les autres personnages. C’est un travail quotidien pour tous les réalisateurs.
Quels conseils donneriez-vous aux femmes marocaines qui souhaiteraient suivre le même chemin que vous ?
Il faut beaucoup de femmes dans l’animation, plus nous serons nombreuses, plus nous pourrons imposer de nouveaux codes. L’unité fait la force. La parité n’est pas anodine, elle permet d’établir ce rapport d’égalité. Écoutez uniquement vous-même, croyez en vous et foncez !
Sarah Naciri, artiste passionnée et dédié à l’enseignement
Passionnée de cinéma d’animation depuis l’enfance et avec une forte envie de transmettre cette passion, Sarah Naciri décide après des études à l’école des Gobelins de se tourner vers l’enseignement en ateliers et au sein de l’école du numérique Tumo à Paris. Elle tient à encourager l’expression personnelle des élèves, quels que soient leur parcours et leur technique, comme elle le fait dans ses propres créations. Sarah a animé un atelier au 21 Festival International du Film d’Animation de Meknès organisé du 3 au 8 mars. Ce module portait sur la conception des personnages, étape clé de la pré-production dans le pipeline de production d’un film d’animation. Elle a également discuté de l’importance et de l’utilisation de la conception des personnages dans cinéma d’animation. L’atelier a permis aux bénéficiaires de reconnaître et d’intégrer les principes qui rendent un personnage identifiable, mais aussi de connaître les bases de l’écriture d’un personnage.
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