La scène semble surréaliste. Dans un grand gymnase, sous un panier de basket, un autel a été érigé sur une table en bois. Derrière lui, l’image de Jésus crucifié trône au centre d’un cercle sacré, aux couleurs des nations indigènes. A côté, un « ancien » bénit les prêtres et les fidèles qui arrivent avec une grande plume d’aigle, devant un récipient dans lequel brûlent des bâtons de sauge. En ce dimanche matin du début juillet, la communauté Sacré-Cœur des Premières Nations d’Edmonton (Alberta) se réunit pour sa messe traditionnelle autochtone, intégrant à sa liturgie des rituels des peuples des Premières Nations, métis et inuits.
L’« aînée » Fernie Marty bénit les prêtres et fidèles arrivant avec une grande plume d’aigle, devant un récipient dans lequel brûlent des bâtons de sauge, à Edmonton (Canada), le 10 juillet 2022. /AMBER BRACKEN/THE GLOBE AND MAIL FOR LA CROIX
« C’est un privilège d’avoir la possibilité de venir ici pour se purifier, prier et adorer autrement, tout en restant ancré dans la foi catholique. Il y a une combinaison de nos cultures avec celle de l’Église, et cela donne quelque chose de très puissant. s’enthousiasme Fernie Marty, 73 ansns, « l’homme à la plume » posté devant l’entrée, membre du groupe Papaschase Cree. L’effervescence est particulière, ce jour-là, à deux semaines de la visite, lundi 25 juillet, du pape François aux membres de cette communauté.
Ces derniers ne seront alors pas accueillis comme là-bas dans la salle des sports – provisoirement prêtée par une école voisine – mais dans l’église historique, à deux pas. Après deux ans de rénovation, à la suite d’un incendie dévastateur en 2020, il doit rouvrir ses portes pour l’occasion.
« Culture de réconciliation »
« J’espère qu’il reconnaîtra vraiment qu’il est possible au sein de notre religion d’embrasser différentes cultures, d’honorer leurs traditions, leurs symboles, leur spiritualité, sans craintequ’il ne dénature en aucune manière notre identité catholique », explique le Père Mark Blom (omi), curé associé de la paroisse. Alors que la société canadienne demeure déchirée par les effets du colonialisme, « Nous essayons de promouvoir une nouvelle culture de réconciliation, dans notre Église et dans notre pays. Cela en soi est déjà un signe que des gens de toutes les nations prient, servent et travaillent ensemble, comme c’est le cas ici. Nous avons aussi des non-autochtones qui sont très engagés »il continue.
« Je crois au Créateur et je viens dans cette paroisse depuis quelques années. C’est une communauté où les gens sont vraiment attentionnés, ouverts et gentils », abonde Elmer, 73 ans, de Fort McMurray. Crâne rasé, chapeau à plumes et tee-shirt long orange – la couleur qui symbolise la mémoire des victimes de l’ancien système des pensionnats (1) – barré par l’acronyme « Tous les enfants comptent », Johan, 67 ans, est ici un paroissien blanc . « Je me retrouve bien dans cette messe, et nous sommes vraiment une grande famille, quelles que soient nos origines. Moi, j’identifie vraiment mieux le message du Christ avec les choses telles qu’elles sont vécues au sein de cette communauté », poursuit l’homme qui a adopté avec sa femme deux enfants des Premières Nations, dont la mère, « survivant » l’une de ces écoles, tomba dans l’alcoolisme.
Trouver les bons mots
Face à ces populations encore fragilisées par les démons du passé – et pour beaucoup, toujours en colère contre la responsabilité des congrégations religieuses dans les mauvais traitements et abus commis – trouver les mots justes pour parler de Dieu n’est pas toujours facile. Dans son homélie de ce jour-là, le père Mark Blom demanda encore une fois pardon aux autochtones pour les pensionnats, brandissant deux tombes en carton découpé qui, lorsqu’elles étaient semi-juxtaposées et retournées, formaient ensemble un grand cœur rouge.


Dans l’église des Premières Nations d’Edmonton, dans l’État de l’Alberta (Canada), le 10 juillet 2022. / Amber Bracken / The Globe and Mail pour La Croix
Au sein de l’assemblée, beaucoup se disent déjà prêts à accepter la demande de pardon du pape François, et pensent qu’elle marquera une nouvelle grande étape. « C’est déjà dans mon cœur, depuis que le pape s’est excusé(à la délégation indigène reçue fin mars et début avril au Vatican, ndlr), dit Fernie Marty, une survivante de l’école élémentaire de Beaver Crossing, dans le nord-est de l’Alberta.. MMais cela rend les choses tellement plus sacrées qu’il vient aussi les présenter en sol canadien. Cela va être un moment extraordinaire, pour la guérison des indigènes sur leurs terres. »
Pape François, les temps forts du pontificat
https://www.youtube.com/watch?v=videoseries
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