Alain Juppé se livre dans des mémoires qui mettent à mal Emmanuel Macron

Les mémoires d’une personnalité constituent toujours un apport indispensable à l’écriture des pages de l’histoire d’une nation. Ceux d’Alain Juppé, parus le 14 septembre, portent justement le titre Une histoire française (Tallandier, 394 p., 22,90 €).
Que le lecteur ne s’y trompe pas : c’est bien du passé dont nous parlons, et non du présent. L’histoire se termine au printemps 2019, avec sa nomination au Conseil constitutionnel. Ce qui laisse présager un deuxième tome, à la fin de son mandat, en 2028. « Je m’inquiète parfois de ne pas pouvoir, par devoir de réserve, m’exprimer sur l’actualité nationale et internationale »il confirme.
Critique du macronisme
Le livre contient cependant une critique fondamentale du macronisme, identique à celle de Nicolas Sarkozy. Alain Juppé estime en effet que « l’implosion » des deux anciens partis dominants, le PS et LR, « a ouvert la voie au radicalisme des camps opposés ». Il oublie cependant de rappeler qu’il avait théorisé en 2015 ce qu’Emmanuel Macron a réalisé en 2017 : « coupez les deux extrémités de l’omelette pour que les gens raisonnables gouvernent ensemble et laissez de côté les deux extrêmes, droite et gauche.
Au fil des pages, le lecteur suit l’œuvre et les journées d’Alain Juppé, du jeune conseiller au premier des ministres. « Non ! Matignon, ce n’est pas l’enfer ! », assure-t-il notamment. Même s’il ne cache pas sa préférence pour son mandat de maire, se flattant « la renaissance bordelaise » et en admettant que ses résultats sont «sans doute moins convaincant en ce qui concerne (son) travail du gouvernement ». Reste que l’intéressé ne se sera finalement jamais présenté à l’élection présidentielle, du fait de sa condamnation en 2004 puis de son échec à la primaire de la droite en 2016. Ce qui aurait pourtant dû être l’issue » normale « écrit-il, à propos de sa longue carrière politique.
Alain Juppé intime
Gaulliste autant que libéral, admirateur de Raymond Aron, Montesquieu et Tocqueville, Alain Juppé est fidèle dans son écriture à ce qu’il est : un homme qui a le « Culte de la modération ». Son objectif n’est ni de miner ses ennemis, ni de courtiser ses amis, contrairement aux portraits que lecteurs et commentateurs aiment lorsqu’un homme politique publie ses mémoires. Sur Jacques Chirac, il fait également référence à un ouvrage antérieur, Mon Chirac. Une amitié unique (Tallandier, 2020).
L’auteur pousse l’honnêteté jusqu’à l’auto-examen. Il parle ainsi de « effets secondaires » du premier de la classe : « un sentiment de supériorité qui peut se transformer en fierté, une distance aux autres, non seulement de ma faute, aggravée par une timidité naturelle, bref cette froideur ou cette raideur qui me colle à la peau depuis toujours. tout au long de ma vie publique ». Il est vrai qu’un fil conducteur traverse sa vie, celui de sa mère, qui avait décidé qu’il ne pouvait pas être « seulement le meilleur », à Jacques Chirac, qui a déclaré qu’il était » le meilleur « de sa famille politique.
Sa famille recomposée et sa foi apparaissent en filigrane. « Il m’arrive, le soir, avant de m’endormir, de réciter les prières de mon enfance (…), je n’entends aucune voix en réponse. J’envie ceux qui ont reçu une réponse, qui ont expérimenté l’éblouissement de la présence divine. » confie cet admirateur de la liturgie catholique qui se définit comme « agnostique ».
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